Le gratuit est le nouveau cheval de Troie. En fait non. Cette pratique commerciale existe depuis toujours. ‘Pour 2 produits achetés, le 3ème gratuit !’. ‘Et nous vous offrons la livraison !‘. Ne croyez pas que les commerçants perdent de l’argent. Je dois quand même reconnaître que le version 2.0 a élevé le niveau dans l’échelle de l’arnaque. La barrière du légal n’est pas franchie, l’honneur est sauf.
Les lois de l’économie distinguent l’offre et la demande. La rencontre des deux entités crée le prix. La concurrence tend à augmenter l’offre et donc fait diminuer le prix. Cette situation est en contradiction avec l’objectif du producteur (surtout de ses actionnaires) qui souhaitent maximiser ses profits. La solution, le marketing. Cette pratique consiste à faire croire qu’il s’agit d’offres différentes pour créer une nouvelle demande.
Ces règles sont celles qui régissent le monde classique du commerce. Le domaine informatique a des caractéristiques propres qui ont amené les équipe Marketing à utiliser d’autres tactiques. La ‘gratuité’ est l’une de ces méthodes. Qui peut croire qu’un jeu qui nécessite la participation de 10aines d’ingénieurs, de graphistes, … peut être donné gratuitement ? Et pourtant les jeux gratuits ont envahis Facebook. Des studios comme Rovio, Zynga ou King ont bien exploité ce filon au début.
Plus le studio est récent et plus les méthodes pour récupérer de l’argent sur un produit gratuit sont insidieuses. Commençons donc par Rovio, l’inventeur des Angry Birds. Il s’agit d’un clone de jeu de catapulte contre un château. La catapulte est remplacée par une fronde, les projectiles par des oiseaux et le château par un enchevêtrement de pierre, bois et verre avec des cochons à l’intérieur.
Si le jeu était au départ payant, quelques euros, sur iPhone, en arrivant sur Android, une version gratuite est apparue rapidement pour contrer le piratage. Pour se financer, Rovio introduit de la publicité. Le succès est au rendez-vous et le marketing développe les produits dérivés : peluches, jouets casses-briques, films, … Il s’agit ici d’un cas d’un cheval de Troie involontaire qui a été bien exploité à posteriori par le studio finlandais. Mais la mode est passée.
Pour le studio Zynga (CityVille, FarmVille, …), la stratégie de financement a été réfléchie bien en amont. Ici pas question de publicité. Le marketing s’est concentré sur l’orgueil des joueurs. Sous une apparence d’un jeu de gestion simplifié gratuit, Zynga encourage les joueurs à montrer à leurs amis la progression de leur ferme ou de leur ville. Et pour progresser plus vite, il propose des options payantes. Cette méthode marche très bien.
Troisième ressort pour gagner de l’argent : la frustration. C’est ce ressort qu’a décidé d’utiliser la société King pour financer ses jeux gratuit et financer les vacances du grand patron. Candy Crush est un clone de ‘Bejeweled’. Dans une matrice, vous effectuez des permutations d’objets pour aligner ceux-ci et les détruire. Ils sont alors remplacés par d’autres objets. Et le jeu continue.
L’idée est toujours de vendre des ‘bonus’ pour progresser dans l’aventure (orgueil) mais le jeu est aussi biaisé pour créer la frustration. Comment ? En biaisant l’aléatoire. Si c’est votre première partie de la journée, les nouvelles pièces vous aident à continuer le jeu. Par contre au bout de quelques parties, vous échouerez systématiquement, sauf si vous allez acheter des ‘bonus’. Le jeu se montre alors plus facile même sans utiliser vos ‘achats’. L’analyse de votre profil de joueur permet au jeu de savoir comment mieux vous frustrer, et c’est volontaire.
On retient donc trois stratégies pour prendre de l’argent aux joueurs sur un jeu gratuit : les produits dérivés, l’orgueil et la frustration. Si les trois studios ne sont plus à la fête puisque les modes passent plus rapidement en ligne que dans le monde physique, les studios de développement jeux vidéos à la mode ont bien retenu ces stratégies. La stratégie des produits dérivés arrivent souvent avec le succès du jeu, mais les deux autres ressorts sont anticipés.
Cher lecteur, je te propose un petit jeu. Je te cite deux jeux ‘gratuits’ à la mode, ou presque, et tu devines la stratégie mise en place les équipes marketing du studio pour le financer. Le premier est Clash of Clans du studio SuperCell. Le levier temps/progression a été utilisé pour améliorer l’efficacité des stratégies marketing. Je trouve cela vicieux et très efficace. Je connais quelqu’un qui a dépensé 200 € grâce à ce biais.
Le second jeu est Fortnite, le jeu d’Epic Games dont le mode gratuit est tellement rentable qu’il permet d’organiser des compétitions avec des récompenses pour les vainqueurs de plusieurs millions de dollars. Les universitaires pourraient écrire des thèses sur la transformation de ce canard boiteux du FPS en poule aux oeufs d’or tellement le travail de l’équipe marketing a été efficace.
Ne pensez que la stratégie du gratuit s’arrête aux jeux vidéos. Elle s’applique à d’autres sous-domaines de l’informatique avec d’autres stratégies pour se révéler payante pour les actionnaires des studios de développement. Mais çà, ce sera dans un autre article.