Je ne sais quelle mouche avait piqué mon oncle mais il n’arrêtait pas de répéter des histoires au sujet de la Terre creuse et d’un mystérieux manuscrit qui décrirait l’emplacement de son entrée. “Jules Vernes n’était pas un romancier mais un explorateur qui racontait ses voyages.” répétait-il.
Ne voulant pas le fâcher j’écoutais ses élucubrations. Cela partait d’un constat simpliste. « Nous n’évoluons qu’à la surface de notre planète. Nous grattons le manteau terrestre afin d’en extraire des métaux précieux. Des richesses immenses sont cachées sous nos pieds par les puissances financières. »
« Sachant que le rayon de l’immense sphère est d’environ 6378 km et que nous nous déplaçons à plus ou moins 10 km par rapport au niveau de la mer, un monde situé à 50 km au-dessous de nos pieds présenterait une surface réduite de 1% par rapport à ce que nous connaissons de la surface. «
« Avec l’équipement moderne, et une carte qui indique une entrée secrète, il sera facile de faire remonter la vérité. » Une seule difficulté se présentait donc dans le plan de mon oncle : “Comment se repérer dans les méandres ouverts par des volcans éteints”.
« Si le GPS fonctionne en extérieur, il devient inutile dans les tunnels. Certes, les voitures arrivent à se repérer grâce à une vitesse mesurée. Mais la précision se dégrade avec le temps passé. Et puis, un tunnel, on en connaît son entrée, sa longueur et sa sortie. » Dans le projet de mon oncle, seule l’entrée était connue.
Passionné de physique, mon oncle comptait utiliser l’ensemble de la technologie moderne. Lidars et sonars permettrait de mesurer avec précision les espaces traversés afin de cartographier le chemin. « L’idée est simple, une onde, lumineuse ou acoustique, est produite par l’équipement et son retour permet de déterminer les distances. »
Avec de bons logiciels, l’ensemble des informations permettrait de créer un Google Maps des souterrains. Contrairement au populaire outil, les environnements n’auraient rien d’attrayant. Et puis, il fallait cartographier en 3 dimensions. Certes, des accéléromètres apportaient une position dans l’espace, mais à part décrire l’orientation d’une manette de jeu ou déclencher un airbag.
“La solution ! La boussole quantique ! ”, dit-il en souriant. « En étudiant par interférométrie atomique l’alignement des atomes de rubidium lorsque ceux-ci sont à la limite du zéro absolu, il est possible de déterminer le déplacement relatif d’un objet avec une précision jamais atteinte. » Le métro londonien avait été témoin de l’efficacité du dispositif.
Je lui demandai pourquoi avoir appelé l’objet ‘boussole’ et non pas ‘accéléromètre’ puisque qu’il n’évaluait pas son orientation par rapport au pôle magnétique, mais uniquement ses déplacements relatifs. L’oncle ne me tint point rigueur de ma remarque. Il avait eu du mal à obtenir un exemplaire ‘portatif’ de 5 kg.
L’invention allait révolutionner les déplacements en permettant de se repérer avec précision dans les espaces clos où le GPS ne passe pas. Et sa précision testé dans des tunnels sur des centaines de kilomètres permettaient d’indiquer une position même en l’absence de signal GPS.
« Savoir au centimètre près où on se trouve dans un centre commercial ou dans les couloirs du métro ne sera plus un problème. On pourra même se repérer dans les administrations françaises ou au fond d’une grotte. Seul problème, le poids. Mais la technologie est telle que d’ici quelques années, cela devrait rentrer dans un téléphone portable. »
Je conseillais à mon oncle de prendre un fil. Il me rétorqua que le poids d’une bobine de 50 km minimum allait peser lourd dans le sac. Nous ne descendions pas dans le labyrinthe du Minotaure. Dans le doute, il accepta quand même la suggestion. “On ne prend jamais trop de précautions.”.