Je ne sais pas pourquoi j’avais intégré cette équipe, mais je le regrettais. Pourtant, le chef de projet m’avait présenté un projet ambitieux et des collègues professionnels et performants. Les demandes des clients étaient traitées ASAP (As Soon As Possible, dès que possible) et la QoS (Quality of Service) étaient très élevée. Je ne pouvais qu’apprendre de ces professionnels. J’aurais dû me méfier des gens qui emploient trop d’anglicismes.
Rapidement, j’ai eu des doutes. Si la mêlée matinale respectait les standards de la méthode Scrum, la pause café et la pause clope matinale de mes collègues étaient bien plus longues. Côté technologique, les experts semblaient accuser un retard technologique important. Mais, leur précédente recrue devait remettre à niveau les professionnels en place. Tout était ‘under control’ comme le répétait le chef de projet ‘slash’ scrum master.
La répartition des tâches étaient étrange. Lors du poker planning, mes collègues sur-notaient les tâches qu’ils ne voulaient pas faire. En essayant d’estimer correctement celles-ci, je les récupérait donc systématiquement. Je remarquais aussi que les users stories (US – besoins exprimés par l’utilisateur final) étaient souvent mal rédigées. Je devais donc contacter le rédacteur pour obtenir plus d’informations.
Je ne me sentais pas à ma place dans cette ‘équipe’. Mes ‘partenaires’ jouaient perso. Et ce n’était les références rugbystiques du chef de projet qui allaient me rassurer. Mais parlons de l’équipe. L’expert nouvelles technologies (NT) était surnommé Looping par ses collègues. Je supposait donc que les autres membres de l’équipe avaient aussi leurs surnoms tirés de la série “L’Agence tous risques”.
Ainsi, dans le noyau dur de l’équipe, il y avait Hannibal, le scrum master, Barracuda, le responsable de la plateforme de développement et Futé le concepteur en relation avec les analystes du responsable produit (product owner). Les autres, développeurs, experts systèmes et bases de données, nous étions de simples figurants destinés à mettre en avant nos stars.
Lorsque j’exprimai à Looping le fait que la solution proposée ne répondait pas aux besoins exprimés dans l’US en cours de développement, ce dernier me répondit que c’était aux utilisateurs finaux de s’adapter à la technologie et non l’inverse. Sa sagesse louée par le reste de l’équipe, je ne me sentis pas d’insister. Futé se chargerait de faire passer la nouvelle interface aux représentantes des clients.
Un jour, reprenant une US revenue comme présentant des erreurs, je m’aperçus que celle-ci n’avait pas été testée. Le code était signé Barracuda. Voulant lui demander s’il pouvait prendre en charge les corrections, celui-ci me répondit qu’il n’avait pas le temps de s’en occuper et que je n’avais qu’à m’en charger. Cela m’apprendrait.
Après une rapide étude, je compris qu’il n’avait fait aucun tests. Lorsque je le lui fis remarquer, il me répondit que la compilation était passé, donc cela devait marcher. [Sarcasme-on]C’est bien connu, si cela compile, c’est que cela marche.[Sarcasme-off] Comme il me montrait ses dents, je préférais ne pas insister.
Futé passait plus de temps à discuter avec la secrétaire de la boîte. Ses analyses étaient souvent incomplètes. Et malgré les erreurs supplémentaires, il n’avait pas le temps de tenir compagnie à la secrétaire, de porter le café à Hannibal, et d’assurer des dossiers de spécifications complets. Il fallait savoir prioriser. Et comme nous étions des professionnels, nous devions savoir compléter ses analyses. Ainsi trancha Hannibal.
Lors des réunions matinales, Hannibal interrompait tout le monde. Il ne laissait personne finir lorsqu’était abordé les erreurs de ses partenaires. Nous les figurants, n’avions pas le droit de proposer des solutions aux difficultés rencontrées. De plus, lors des réunions de fin de sprints avec les clients, il se sentait obligé de se mettre en avant. C’était le seul moment où nous il tenait son rôle dans le projet.
Sans surprise, je compris que s’il n’y avait pas de retour négatifs de nos utilisateurs, c’est parce qu’ils n’attendaient pas grand chose de notre équipe. C’est donc sans regret que je quittai cette bande de fous.