7h, le réveil sonne. Je me dis, encore une ennuyeuse journée de travail en perspective. Alors que j’allais renvoyer le réveil en mode répétition, une main me retient. Un petit être blanc et ailé se présente devant moi. “Je suis l’ange des développeurs et je t’annonce la fin de ton supplice face aux lignes de codes.” me dit l’étrange forme. N’ayant fait aucun excès la veille, et la gravité me confirmant mon état d’éveil, j’écoute le petit personnage.
“Pourquoi écrire des lignes de codes lorsque des plateformes permettent de concevoir les mêmes applications en décrivant simplement le besoin ? As-tu besoin de répéter 100 fois le même code ?”. Le discours de l’ange est bien huilé. Il enchaîne les promesses d’un service qui simplifie mon travail. J’avais entendu parler d’un américain qui embauchait des indiens pour faire son travail. Lui me propose de remplacer les indiens par des programmes destinés à automatiser la plupart des portions de codes.
L’avantage de ses services. Je ferai mon travail beaucoup plus rapidement. Mon patron sera satisfait. Je ne serai plus obligé de répéter les mêmes lignes de codes grâce à des objets complets, efficaces et simples à mettre en œuvre. Bref, le paradis des développeurs et de leurs clients. À la base, informaticien c’est un travail de fainéants. On automatise le travail des autres. Alors automatiser notre travail, c’est le Graal.
Bien sûr, il y a un prix. Mais payer quelques centaines d’euros par an pour économiser des centaines d’heures ou gagner plus d’argent, qui refuserait ? Ainsi, le petit ange me parle longuement de ses produits nommés ‘low-code’ et ‘no-code’. En ‘no-code’, la description se fait en déplaçant des objets sur des schémas. Dans l’autre cas, si les schémas ne suffisent pas, un langage quasi-naturel permet d’achever son œuvre.
Devant de telles promesses, je demande immédiatement où je dois signer. Mais avant que je ne tende ma carte bleue, un petit rougeot apparaît. Le type à l’air énervé et commence à insulter le pâlichon. “En fait, je suis réveillé dans un dessin animé de Disney.” me dis-je. Le second personnage se présente comme ‘le démon informatique’. Pour nous les informaticiens, un démon est un programme qui s’exécute en arrière-plan. Voyons ce qu’il dit.
“T’as quel âge pour croire de telles balivernes ? Tu penses vraiment que tu implémenteras le métier de tes utilisateurs avec des composants aussi simples ? Et tu sais au moins où sont situés ces services ? Tu vas partager des données professionnelles avec des gens que tu ne connais pas ? Et comment ces programmes vont s’intégrer dans le système d’information de ton employeur ? Tu feras comment si le service de low-code ferme ?”
Le démon n’arrête pas de parler. Mais il a raison le bougre. Alors qu’il évoque la Cnil, je décide de le fermer. J’en profite aussi pour renvoyer son compère. Les deux personnages ne sont pas vraiment ce qu’ils disent être. Le premier est peut être angélique, mais chez les commerciaux. Le second ressemble plus à un comptable, ou plus rigide, un fonctionnaire du Trésor Public. Et aussi pénible qu’il soit, il a raison.
Le no(low)-code s’adresse surtout pour des gens qui ont des bases informatiques mais dont ce n’est pas le métier principal. Ces solutions sont efficaces pour faire des prototypes d’applications ou gérer un domaine léger. Mais sur le long terme, elles sont condamnées à l’échec. De plus, elles obligent à s’inscrire à de nombreux services. “Ce n’est pas grand chose quelques dizaines d’euros par mois pour du temps économisé.”
L’abonnement, c’est le modèle commercial préféré sur Internet. Vous payez pour un service. Puis vous l’oubliez et vous continuez à payer. Vous pouvez penser que les plateformes de no(low)-code menacent mon emploi. Pas du tout ! Combien de fois j’ai vu des responsables céder aux sirènes de ces plateformes ? Au final, nous sommes rappelés en urgence pour pallier aux manques de la solution.
Pour les amateurs de planches, je vous conseille de regarder Commit Strip. Leur billet sur le sujet résume très bien la situation : Un rêve qui s’appelait no-code | CommitStrip. Tout le monde peut créer des applications. Comme tout le monde peut écrire. Pour autant, prendre un stylo ne fait pas de nous des écrivains.