Le moteur ronronne. Le régulateur bloqué sur 130 km/h imprime le rythme de ma 308. Le flot ininterrompu de voitures et de camions dans le sens inverse montre ce besoin de voyager. Et moi, assis derrière le volant, je me contente de garder le véhicule dans la file en attendant la bonne sortie. Le réseau autoroutier est prévisible, simple, efficace et payant.
Alors mon esprit s’évade du carcan métallique. J’imagine multipliant les étapes sur des axes secondaires. Le parcours serait plus long et moins sûr. Il serait aussi gratuit et moins ennuyeux. Enfin, la gratuité a aussi son prix. Ce sont nos impôts qui financent l’entretien de ces réseaux qui interconnectent chaque ville, chaque habitation.
Je suis comme un paquet d’informations sur le réseau des réseaux. Je traverse des nœuds jusqu’à mon arrivée sur le bon serveur. Qu’importe le trajet, l’essentiel est d’arriver au bon endroit. Cette pensée me semble à l’opposé de la morale présente dans les récits initiatiques. Mais la question n’est pas là.
Niveau 3
Comment Internet est-il financé ? Comment est-il organisé ? A cette question, j’imagine en premier l’abonnement que nous payons aux Fournisseurs d’Accès à Internet (FAI). Qui souhaite accéder à Internet doit passer par une entrée. Les FAI fournissent ce brin de route (en cuivre, en fibre optique ou par ondes porteuses) qui relie notre ordinateur à leur réseau.
Niveau 2
C’est un premier pas. Cependant rien ne dit que ma destination se trouve sur ce réseau. Il faut une structure pour se rattacher aux autres réseaux. Deux solutions se présentent :
- soit les FAI créent des routes entre eux (peering).
- soit ils demandent à un acteur indépendant de créer un réseau qui relie les FAI d’une région (transit).
La deuxième solution permet de mutualiser les infrastructures. Inutile de multiplier les routes à l’arrivée d’un nouvel FAI. L’acteur qui gère ce réseau facture les FAI suivant leurs usages. Il est nommé Tier 2 (ou niveau 2) et agit au niveau d’une région. Par région j’entends qu’il rattache des FAI d’un même pays ou de pays différents.
Niveau 1
Le Tier 2 déploie ses infrastructures au mieux sur un continent. Son réseau ne couvre pas la Terre entière. Il existe bien des réseaux qui relient les continents. Ils sont gérés par d’autres sociétés privées nommées Tier 1 qui facturent l’accès à ce dernier aux Tier 2. Les différents réseaux de niveaux 1 sont interconnectés directement entre eux.
Les grands câbles posés au fond des océans le sont par les sociétés Tier1. L’argent de nos abonnements ruissellent donc jusqu’à ces sociétés lorsque nous consommons des contenus situés à l’autre bout du monde.
Règles financières
Le peering coûte le prix de l’installation et de la maintenance des infrastructures entre Tiers. Deux Tiers reliés ainsi ne se facturent pas le trafic de données échangées. Le transit, l’accès à un réseau plus large est géré par une entreprise indépendante. Il est donc facturé à la quantité d’information transmise.
Les producteurs de contenus (Netflix et Youtube en tête) paient des FAI pour que vous puissiez y accéder. Plus le contenu est éloigné du réseau de destination et plus les Tiers 3 leur facturent cher l’accès pour compenser les frais de transit. Les producteurs ont donc intérêt à se rapprocher au plus prêt de leurs clients.
Ces règles financières garantissent partiellement la neutralité du net et limitent les dépenses énergétiques des usages d’Internet. Cet équilibre déplaît à des alliances contre-nature. Même si ces règles enrichissent quelques grands groupes, elles assurent un réseau stable et performant.
En entrant dans une zone de travaux, j’en regarde l’avancée. En même temps que des sections sont remises en état, des canalisations sont enterrées. Des fibres optiques y seront prochainement placées. Les infrastructures réseaux suivent les infrastructures routières. Ainsi communique le monde.