Dernier jour de travail dans la restauration rapide, Léa se demande comment elle a pu tenir. En apparence facile, le travail derrière un comptoir est plus épuisant qu’il n’y paraît. Le sifflement permanent des alarmes, les gestes répétés ad nauseam, les lampes qui aveuglent, les odeurs permanentes de graisse … la jeune femme ne sait pas ce qui le pire dans cet environnement.
Non, le pire est l’aspect humain. Le manager qui attend que ses équipiers se dédoublent durant les rushs, les ragots entre équipiers, les clients qui s’énervent parce que cela ne va pas assez vite, les gamins qui crient et courent partout, … Léa a l’impression d’être un robot. Elle se surprend à s’habituer à ces comportements sans-gêne.
Un mois dans ce type de restaurant est une expérience inoubliable. Certains collègues y voient une expérience formatrice. Un cadre, des horaires à respecter, une adaptation de chaque instant dans des rails définis par la procédure, des opportunités de progression vers d’autres métiers à responsabilité. Si c’est un choix de carrière, c’est très bien.
Léa y voit un salaire. Elle sait aussi qu’elle ne sera plus cliente de ce genre de restaurant. Entre la communication institutionnelle et la réalité quotidienne, l’écart est caricatural. Parlons de la communication. Sur leur site ou sur les réseaux sociaux (RS) professionnels, la filiale y est décrite comme un cadre formateur, respectueux de l’employé et du client. Loin de l’expérience ressentie par la jeune employée.
Il faut dire que les gens qui visitent et réagissent sur ces sites ont besoin d’une image positive pour valoriser leur travail. Les critiques se doivent d’être constructives. Les louanges sont nombreuses. Qui critiquerait un potentiel employeur ?
Pour cela, il faut se rendre sur des RS où les intervenants peuvent se cacher derrière un pseudonyme. Ici, les témoignages des équipiers y sont un peu plus sincères, mais pas trop qu’en même. L’entreprise a des enseignes partout et un autre collègue pourrait reconnaître le témoignage. Alors, malgré l’ersatz de liberté de parole, les critiques sont rarement négatives.
Non, les vraies critiques de la franchise viennent des clients eux-mêmes. Les non-respects des engagements sont dénoncés par les consommateurs déçus. Il faut dire qu’entre la publicité et la réalité, le choc peut être important. Mais grâce à une armée de community manager (gestionnaire de communauté), les critiques sont vite nuancées.
Bien que n’ayant aucun rapport avec l’informatique, la communication est une science de la manipulation des plus intéressantes. L’art de la nuance utilise un certain nombre de stratégies pour convaincre même les plus réfractaires. La novlangue ou le discrédit du contradicteur sont des techniques malhonnêtes mais efficaces.
Et puis quel meilleur moyen de faire oublier une mauvaise histoire qu’en l’enfouissant sous des dizaines d’articles positifs ! Pour cela, des influenceurs sur les RS sont invités par l’entreprise pour couvrir d’éloge l’entreprise. D’ailleurs le recrutement peut commencer très jeune. Qui mettrait en doute l’avis d’un gamin de 10 ans suivi par des millions de personnes.
En cherchant des expériences similaires à la sienne, Léa tombe ainsi sur une communication institutionnelle bien forgée. C’est comme si son expérience et son ressenti était qu’un grain de sable insignifiant dans la vie de l’entreprise.
Mais en cherchant bien, elle tombe sur des forums un peu cachés d’équipiers polyvalents de la restauration rapide. Ainsi, elle comprend que son expérience est aussi réelle et partagée. Derrière la façade, les relations humaines sont réelles. Il faut apprécier les expériences positives et comprendre les situations négatives pour ne pas les reproduire.