Le Grand Bluff

C’est un bon titre pour parler de la communication institutionnelle. Je veux parler de la manière dont les entreprises présentent leurs affaires. De cet art ancestral qui consiste à présenter la réalité sous son meilleur jour quitte à oublier tout le reste.

Vous me direz que cela n’a rien d’original, que ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire.

Peut être. Mais êtes-vous sûr d’être du côté des vainqueurs ? Et la victoire est-elle toujours définitive ?

Prenons une affaire qui revient à l’actualité. L’affaire Theranos ou l’affaire Elizabeth Holmes. L’histoire se déroule en Californie. Donc vous ne connaissez pas. Et pourtant là-bas, cette affaire éclipserait presque celle de Bernard Madoff. Elisabeth était une jeune femme intelligente, belle et ambitieuse au début des années 2000. Des compétences en marketing et c’est suffisant pour réussir dans la vie.

Elisabeth fonde la société Theranos qui se propose ni plus ni moins que de révolutionner les tests sanguins. Fini les nombreuses prises de sanguins pour mesurer le taux de glucose dans le sang d’un diabétique. Fini les tests longs et coûteux pour diagnostiquer d’autres maladies du sang ou observables dans le plasma sanguin. Elisabeth et son armée de chercheurs répondront à tout cela avec un simple bracelet ou au minimum sans piqûre.

D’ailleurs les présentations au marché et aux potentiels investisseurs fonctionnent parfaitement. Vous me direz que c’est le but d’une présentation. Un remarquable exemple de communication institutionnelle. Si vous avez un peu d’expérience dans le domaine informatique vous connaissez le fossé entre la présentation vendus par les commerciaux et la réalité du terrain.

Mais cela ne change rien. Les commentaires sont dithyrambiques. Les investisseurs y voient un marché fabuleux. Le domaine médical ne transige pas avec la sécurité. Le prix n’est qu’un détail d’une technologie. Cette jeune femme qui mélange technologies informatiques et médicales est alors vue comme un futur Steve Jobs. Et l’argent afflue sur la base d’une simple présentation.

Pourtant en interne, les équipes sont plus inquiètes. Le système est loin de donner des résultats probants. Et ce n’est pas l’enthousiasme de la présidente qui rassure les chercheurs. Ils connaissent le manque de fiabilité de leur technologie. L’habit ne fait pas le chercheur et la blouse d’Elizabeth est trop blanche.

La suite ? Bien qu’Elizabeth éjecte toute voix contraire dans l’équipe et autour de sa communication, les gens se questionnent. Le produit est commercialisé et donc comparé. Et les résultats tombent. Sa technologie est une coquille vide. Et les patients sont trompés. Le domaine médical déteste ce type de risque. Le scandale éclate.

Et pourtant pendant 11 ans, avec une communication réglée à la perfection, même les plus grands y ont cru et ont investis des centaines de millions de dollars dans la future pépite de la Silicon Valley. C’est ici un magnifique exemple de la communication institutionnelle. Imaginons que les chercheurs d’Elizabeth aient mis au point cette technologie, elle aurait vraiment pris la place de Steve Jobs.

Ne pensez pas qu’il s’agisse d’un exemple isolé. Le domaine informatique ne manque pas d’entreprises qui ont la meilleure technologie, savent tout faire, toujours dans les temps et en respectant votre budget. En tout cas, jusqu’à ce que le contrat soit signé. D’ailleurs c’est ce qu’ils promettent sur leurs site Internet, avec une liste d’entreprises renommées avec qui ils travaillent régulièrement.

La réalité est plus nuancée. Elle dépend avant tout de la qualité des intervenants qui réaliseront le chantier. A moins d’avoir l’équipe parfaite, il n’est pas rare que le chantier soit livré en retard, ou avec le périmètre fonctionnel revu à la baisse. Ou pas du tout livré.

Sortons du monde professionnel. La communication institutionnelle ce n’est que de la publicité. Dans ce monde merveilleux, Siri répond à tout et rend les gens heureux, Alexa permet aux gens de se comprendre. Dans la réalité, Siri c’est l’ami qui te répond quasi-systématiquement ‘Demande à Google !’ et Alexa fait la promotion des produits Amazon..

La communication institutionnelle donne l’impression de sérieux, d’officiel, alors qu’elle n’est qu’un des nombreux avatars de la publicité. Si vous voulez des informations sur un produit ou un service, lisez les articles de vrais journalistes et non les publi-reportages sponsorisés par les entreprises impliquées. Ne vous contentez pas d’un avis et ne croyez pas ceux qui crient le plus fort.

Et si vous vous trompez ou si on vous a trompé, reconnaissez-le. Même les plus grands font des erreurs. Et Ils savent en tirer des leçons … vous aussi.

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