Les anglicismes ne sont pas l’apanage du monde informatique. Ce domaine les adore et en place à peu près partout. Je ne vais pas faire une revue des meilleurs termes. Je vais en étudier un : le POC (Proof Of Concept) que l’on peut traduire en maladroitement en française par ‘preuve de concept’ ou par prototype.
POC cela sonne bien. On sent lorsqu’on dit ce mot la force de la preuve. Pourtant le principe n’est pas neuf. Avant d’entamer un chantier ou lorsqu’on répond à un appel d’offre, on se pose deux questions.
- La première question est fonctionnelle. Avons-nous compris le besoin exprimé par le client ?
- La seconde question est technique. Avons-nous les outils et techniques pour réaliser le chantier ?
Pour la première question, on crée des maquettes que l’on présente au client lors de l’appel d’offre ou à la MOA si le chantier est interne. La maquette permet à l’utilisateur de voir ce à quoi ressemblera le produit une fois terminé. Pour la seconde question, on crée un prototype. Cela permet de démontrer la capacité technique à réaliser le besoin. Prototype cela fait démodé et POC est devenu le mot à la mode.
Le POC ne couvre pas les besoins métiers exprimés par les utilisateurs mais les besoins techniques. Il permet donc de mesurer le coût de la réalisation finale, ses contraintes techniques, ses coûts d’entretiens, …
Dans le domaine de la construction, tout le monde voit ce qu’est une maquette. On vous présente des miniatures en 3D, des vues d’artiste ou des balades avec des casques VR des futures résidences. Mais personne ne s’intéressent aux POC puisqu’on fait confiance au constructeur pour s’occuper des détails techniques, à tort.
Le père de José, avant de faire sa première piscine, a dû prouver à son client qu’il était capable de faire une piscine. Il aménagea donc un petit bassin dans son jardin. Preuve qu’il maîtrisait les outils, les techniques et les produits pour retenir, nettoyer, filtrer de l’eau dans un espace confiné, sans avoir besoin de construire une piscine. Un POC quoi …
Un exemple de POC qui aurait dû alerter est l’histoire de la Bluecar. M. Bolloré avec sa voiture et son armée d’ingénieurs et de commerciaux, a voulu jouer la carte du ‘C’est moi qui serait le premier dans le créneau de la voiture électrique en libre service !’. Pourtant maquette comme POC auraient dû alerter des risques de ce défi technologique..
Pour la maquette, officiellement le design est signé Pininfarina. Cette célèbre boîte italienne est à l’origine de design de nombreuses Ferrari, Maserati, … et de la Bluecar. Même la Fiat Punto a plus d’originalité, de style et de personnalité. Mais ce n’est pas la maquette qui démontre la viabilité d’un produit. Juste l’apparence et un élément technique, le Cx (cela n’intéresse que quelques ingénieurs).
Pour le POC, celui-ci a dû mettre en avant les contraintes de la technologie. Les batteries doivent être maintenues à une certaine température sous peine d’être inutilisables. La voiture consomme donc de l’électricité à l’arrêt. D’autres défauts auraient dû être vus avec un POC : l’isolation phonique médiocre, le siège conducteur mal positionné, l’absence d’ABS lors de la conduite sous la pluie. Il faut croire que M. Bolloré et ses cadres n’ont jamais testé leur voiture. Si vous cherchez une voiture électrique, les Bluecar sont bradées en ce moment.
Si la maquette donne l’apparence, le POC apporte la connaissance du devenir d’un projet. Il devrait être une étape incontournable d’un projet. Mais, le bon sens peut laisser la place à l’engagement des responsables. Ceux-ci philosophent et pensent que d’ici à la mise en production du projet, les ingénieurs auront réglés les quelques défauts techniques (mécaniques, physiques, logiques, chimiques,…). La pensée positive ne fera pas voler un fer à repasser.