// Ceci est une fiction ou presque.
Ce soir, comme chaque dimanche, vous deviez jouer au tennis avec un ami. Malheureusement, il a annulé au dernier moment. Vous êtes donc chez vous, tranquillement installé dans votre canapé, en train de regarder une série. Vous entendez la porte d’entrée s’ouvrir. Un type étrange entre dans votre appartement, s’installe dans la cuisine et note le contenu de votre frigo. Il contrôle ensuite le four, la machine à laver, le compteur d’électricité et même votre télévision, puis commence à repartir comme si de rien n’était.
Vous essayez de lui poser des questions mais il vous ignore. Vous menacez d’appeler la Police. Il ne semble pas plus ému et disparaît. Vous vous posez alors plusieurs questions.
- Que voulait-il ? Apparemment rien, il n’a fait que regarder.
- Qui est-il ? Il vous semble qu’il est asiatique, mais il s’exprime dans anglais parfait. Physiquement, il ressemble à un cliché de comptable ou de rat de bibliothèque.
- Comment est-il entré chez vous ? A part vos clés, et un jeu laissé chez des amis, personne d’autre ne peut rentrer chez vous. Et pourtant la serrure n’est pas forcée.
Échaudé par cette visite surprise, vous voulez vous rendre au Commissariat, mais à cette heure il est sûrement fermé. Vous regardez comment vous protéger de ce type d’intrusion. Vous découvrez que le ministère de l’Intérieur propose désormais un Commissariat en ligne (Fiction Alert). L’accueil virtuel semble aussi accueillant qu’un commissariat de quartier. Le décor est froid, presque triste, et le site rame. Il vous faut presque 5 minutes pour que la page se charge et qu’un assistant virtuel s’adresse à vous.
Vous racontez l’intrusion dans votre appartement et le sentiment d’insécurité de savoir qu’un inconnu peut se promener chez vous. L’assistant vous renvoie vers la section RGPD (Règlement général sur la protection des données). Il s’agit d’une nouvelle section créée récemment qui se charge des cas étranges du monde numérique. Cette section, agit sur le plan européen.
Vous êtes alors accueilli par une jeune femme blonde habillée d’un tailleur noir. L’accueil semble plus réactif. L’enquêtrice vous pose des questions sur vos derniers achats et sur vos derniers contrats signés. Quel rapport avec l’intrusion chez vous par un cliché asiatique de comptable ?
Devant votre incompréhension, elle vous explique que vos achats ne s’arrêtent aux biens matériels. En signant l’acte d’achat vous validez des CGU (conditions générales d’utilisations). Le comptable n’est qu’un élément de ces conditions. Le rôle du RGPD est de s’assurer que les entreprises qui vendent ces biens n’utilisent pas vos données personnelles pour autre chose que le service vendu. Bien sûr, vous avez des droits puisqu’il s’agit de vos données, de votre vie privée. Le RGPD vous aidera à faire valoir ces droits si le fabricant abuse de vous.
Mais, vous êtes perdu dès les premières secondes des explications données par l’enquêtrice. Si seulement ces notions étaient enseignées à l’école, vous auriez les réflexes pour appréhender les CGU et connaître la limite entre votre vie privée et leurs services. Vous remerciez l’enquêtrice pour ces explications et repartez en vous disant que la Police ne peut rien pour vous. Vous vous adresseriez bien à un bon serrurier, mais vous n’en connaissez pas dans le domaine numérique.
Lundi matin, vous recevez une alerte pour une promotion de yaourt au Casino du coin. Formidable !! Vous aviez fini le dernier ce matin. En plus, il y a une promotion sur la lessive Cajoline et les glaces Mars. Et puis Netflix vous annonce que la dernière saison de votre série préférée sera disponible dès ce soir. Oubliée la mésaventure d’hier soir, la vie est plus facile de nos jours.
La vie privée numérique devrait être un droit. Sous prétexte de confort, nous oublions ce droit. La multiplicité des acteurs et la complexité des contrats ne facilitent pas la chose. Il existe des associations et des services publics pour surveiller les dérives potentielles. Mais c’est bien vous qui est le premier acteur de votre vie numérique.