“Quand je m’examine, je m’inquiète. Quand je me compare, je me rassure.” Tayllerand pourrait-il dire cela de nos jours ? À l’heure des réseaux sociaux, où chacun présente sa meilleure image, il est difficile de voir au delà du vernis social. Exposer sa réussite, même imaginaire, est à la portée de n’importe qui. Les réseaux sociaux sont devenus le dernier rouage de la machine à consommer.
Un des moteurs de notre civilisation est l’envie. Si vouloir une meilleure situation nous oblige à progresser est une bonne chose, il faut mettre nos actes en balance avec leurs conséquences. Se fixer des objectifs est une bonne chose. D’ailleurs, c’est ce qu’on souhaite au début de l’année : reprendre le sport, apprendre une nouvelle langue, faire des voyages, consacrer plus de temps à sa famille et à ses amis, …
Mais les vœux ne durent pas dans le temps. Et il ne sont pas toujours aussi désintéressés. Prenons les voyages. Si nous ne voyions pas nos amis partir au 4 coins du monde sur Facebook et Instagram, aurait-on envie de partir à l’autre bout du monde ? La France et l’Europe sont tout aussi magnifique et surprenant que la Nouvelle Zélande, et je n’en ai vu qu’une infime partie.
Et si la comparaison s’arrêtait au voyage, ce serait un moindre mal. Mais le moindre symbole de succès est exploité. Voitures, maisons, piscines, vêtements, soirées, … tout ce qui peut être montré l’est … pour démontrer que leur vie est plus passionnante que la votre. Il faut avoir le plus d’amis, être suivi par le plus de personnes, … “Quand je me compare” m’a vie a toujours l’air plus triste que celle de mes amis Facebook.
Je vous rassure de suite. “Quand je m’examine”, je comprends ce qu’il y a derrière ces symboles. Que trouvons-nous derrière ces éclatants succès ? Beaucoup de choses. La réussite peut provenir du travail. Lorsqu’on y consacre plus de 50h par semaine, il n’est pas choquant de gagner de l’argent. La chance aussi peut amener à la belle vie. Mais seule la Banque gagne tout le temps aux jeux de hasards.
L’envie se transforme parfois en jalousie.
Dans ce jeu de ‘Qui a le plus ?’, les moyens de tricher sont nombreux. Les crédits permettent de présenter un train de vie fictif, merci Cetelem, mais pendant un certain temps seulement. Au moins la photo était belle avant que la voiture ne soit saisie et que l’on soit endetté à vie. Une autre solution est la location. Une solution plus sage pour afficher une meilleure image. Mais si la plupart des amis Facebook sont des anciennes connaissances et si nous ne rencontrerons jamais nos ‘followers’ d’Instagram, nous nous sentirons déclassés si nous les croisons.
Malgré ces artifices de bonheur, l’image que nous donnons sur les réseaux sociaux est souvent une image inquiétante. Nous courons vers le succès et ne voyons pas le bonheur à nos pieds. Cette boulimie de biens nous éloigne des vrais relations humaines. Le bonheur est masqué par les lumières d’un succès qui reste souvent illusoire. Faut-il chuter comme dans l’épisode 1 de la saison 3 de Black Mirror pour comprendre ce qui est important ?
Au lieu de partager des images, partageons des projets, des idées, des savoirs, des sorties. Un réseau social est un outil formidable pour cela. Encore faut-il l’utiliser correctement et s’éloigner de ceux qui n’ont pas fini leur crise d’enfant roi. La maxime de Tayllerand n’est plus d’actualité. Certes “Quand je m’examine, je m’inquiète” mais je me rassure lorsque je partage des moments avec les autres. Et je diffuse ces moments pour que ceux qui me connaissent en profite aussi.