La boutique du faussaire

Lorsque dans mon premier “Café philosophie” je dis qu’il faut remettre en question les informations que l’on trouve sur Internet, ce n’est pas par plaisir de m’opposer, mais parce que j’ai connais la manipulation de l’information qu’il s’agit d’un article, d’une image ou d’une vidéo. N’importe qui peut contrefaire une page d’un site Internet, retoucher un photo ou même un contenu audio ou vidéo. Les outils existent et peuvent même être accessibles à des débutants.

Prenons l’exemple d’un scam classique. Imaginons que par mégarde une liste d’allocataires de la Caf de l’Orne soit diffusée par erreur (voir l’article de Zataz du 7 juin 2019). L’erreur est explicable simplement, le technicien a dû confondre le champ ‘pièces jointes’ avec le champ ‘liste des destinataires’. Une maladresse bien regrettable mais qui peut avoir des conséquences. Le public des Cafs est pour partie fragile socialement et donc manipulable.

Si un escroc récupère cette liste il peut alors envoyer un mail à cette liste en leur demandant d’aller sur le site de la Caf afin de confirmer des informations bancaires. Le lien qu’il donnera ne sera pas le site de la Caf mais une copie. Il est très facile de créer un faux site Internet qui copie la présentation du site internet. Sur 3000 allocataires, combien vont répondre à ce faux mail de peur que leurs allocations ne soient plus versées.

Il est possible de s’apercevoir qu’un site affiché n’est pas le site officiel en regardant l’URL indiquée (le chemin vers le site). Mais qui regarde les URL. Certains navigateurs masquent cette informations qui n’est pas utile pour l’utilisateur. Aujourd’hui les navigateurs exigent qu’un site possède un certificat. Mais il est facile d’obtenir un certificat pour un site et cela ne prouve pas qu’il n’est pas dangereux. Et ces mécanismes sont bien trop complexes pour l’utilisateur lambda.

Admettons que nous ne nous trouvons pas sur un faux site. Qui vous dit que les informations affichées sont réelles. Avant Internet, il existait une tradition des faux journaux. Il s’agissait de journaux qui relataient d’événements fictifs. Aujourd’hui, nous avons le Gorafi. Et bien d’autres sites j’imagine. Ces sites, à caractère parodique, sont là au mieux pour faire réfléchir sur l’actualité. 

Admettons ! Vous êtes sur un site d’informations réelles (et non parodiques). Connaissez-vous l’opinion des journalistes ? Il n’est pas rare que, pour faire un scoop, une phrase d’un interviewé soit sortie de son contexte. Ce n’est que du texte après tout. Ce ne serait pas la première fois que les paroles de quelqu’un soient légèrement réinterprétées par le journaliste. Vérifierez-vous tout cela sur des sites de ‘débunkage’ ?

Le texte est facilement manipulable, mais un enregistrement vocal, ce n’est pas facilement manipulable ? Si, des outils existent pour le montage audio. Si vous écoutez Mathieu Noël sur Europe 1 vous avez conscience de cela lorsqu’il se moque gentiment de ses sco-animateurs. Tout podcasteur n’ayant pas moyen d’investir dans des logiciels professionnel utilise Audacity.  

Et pour imiter un timbre de voix, ce ne sont pas les logiciels qui manquent. Je vous laisse chercher sur Internet mais si vous voulez qu’Emmanuel Macron vous souhaite un Joyeux anniversaire, avec un bon jeu d’acteur et un bon logiciel, c’est possible. Dans un cadre juridique cela peut poser d’autres questions. Quelle preuve que l’enregistrement audio n’est pas truqué. 

Même le son peut être contrefait. Mais l’image ? L’image, tout le monde connaît Photoshop. En jouant avec les calques, les ciseaux magiques, les filtres, … il est facile de coller un visage de quelqu’un sur le corps de quelqu’un d’autre. Au lycée, j’y arrivais même avec Paint, et le résultat était très crédible. Alors si un lycéen avec un logiciel basique peut y arriver, imaginez un professionnel avec des outils complexes. Saurez-vous distinguer le vrai du faux ?

En plus des outils de manipulation d’image, Nvidia propose un outil qui permet de créer des visages humains. Regardez les résultats obtenus par l’IA StyleGan. Les photos que vous voyez ne correspondent à personne. Il est donc facile de produire un visage réaliste pour des faux profils.

J’ai évoqué les photos, les textes, les sons. Il ne me reste plus que la vidéo. Et encore une fois, les outils pour réaliser de fausses vidéos réalistes existent. Plus exactement, il est possible de remplacer le visage d’un acteur par un visage connu. Carrie Fischer n’a pas tourné Star Wars 8 et pourtant elle est bien présente durant tout le film. Ce sont les moyens d’Hollywood. 

Et pourtant quelqu’un d’habile a rendu accessible cette technologie à tout un chacun. Je vous conseille l’article de Korben qui montre comment il est facile d’utiliser DeepFakes pour coller le visage d’un acteur sur le corps d’un autre acteur dans une vidéo. Les détournements sont nombreux et rarement malveillants. Mais si vous voyez Donald Trump dire qu’il faut construire une barrière autour de la Terre pour arrêter l’invasion martienne, c’est sûrement un fake d’un platiste.

Ce n’est pas l’outil qui pose un problème mais celui qui le manipule. Les outils que je viens de vous présenter sont des sources de créativités. S’ils sont assez simples à prendre en main, il faut toutefois un certain talent pour rendre la manipulation réaliste et crédible. Complotistes de tous les pays, ne criez pas au fake à la moindre occasion. Même un faux très réaliste présente des erreurs. C’est bien notre nature humaine qui crée les failles, et un travail d’enquête qui peut les détecter.

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