Georges nettoie les vêtements. Plus exactement, Georges est le microcontrôleur d’un lave-linge. Certes ce n’est pas la carrière qu’il envisageait, mais il trouve son utilité pour cette famille de deux adultes et deux enfants. Tous les jours, ou presque, en fonction du programme sélectionné par l’un des membres de la famille, Georges se charge de mener à bien l’opération. Prélavage, lavage, rinçage, essorage, Ces opérations n’ont aucun secret pour Georges.
En fonction du programme, il se charge de contrôler l’arrivée d’eau en ordonnant à l’électrovanne de s’ouvrir, il vérifie qu’il y ait assez d’eau avant de faire chauffer la résistance en fonction de la température de l’eau. Il n’oublie pas de récupérer lessive et adoucissant. Ensuite il fait tourner le moteur du tambour à différentes vitesses suivant le programme. Une fois cela finit, il contrôlera une autre électrovanne pour évacuer l’eau et fera tourner le tambour à pleine vitesse.
L’opération terminée, Georges jouera une petite chanson pour alerter la famille de la fin des opérations avant de replonger dans un profond sommeil jusqu’à la prochaine demande. Il entend ses maîtres parler de machine. Lui, il en est le cerveau. Certes, il n’est pas le micro-contrôleur le plus doué de sa génération. Il connaît quelques camarades qui, pour laver le linge sont capables de plus de prouesse : peser le linge, le faire sécher, démarrer le programme lors des heures creuses ou suite à la demande d’une box domotique, envoyer un mail ou un Tweet à la fin du travail, …
Georges a quand même quelques regrets. Lors de sa formation, il entendait ses maîtres parler des différents emplois de microcontrôleur. Leur directeur de formation vantait les débouchés de la filière : ‘Vous travaillerez en équipe pour faire décoller et atterrir les avions ! Vous emmènerez l’énergie à travers le monde ! Vous serez le support des voitures intelligentes ! Vous pourrez même mener les hommes sur la lune ou sur Mars ! Des carrières fantastiques s’offrent à vous !’.
La formation d’un microcontrôleur est simple. Leur apprentissage se base sur le traitement d’une information de façon autonome. Un bon microcontrôleur doit savoir résoudre un problème simple dont les paramètres sont donnés par des capteurs extérieurs. La réponse est un message qui pilotera des moteurs ou d’autres microcontrôleurs. Pour réaliser cette tâche, ils doivent aussi être économes en énergie et très rapides. ‘Temps réel !’ répétait l’un de leur professeur.
La réalité est souvent bien plus banale. Georges avait trouvé sa place dans une usine Samsung. Après une rapide formation ‘Samsung’, il avait été installé dans l’un de leur lave-linge d’entrée de gamme. Ce dernier avait trouvé sa place dans une gentille famille. Finalement, il aimait son travail. Que serait-il aller faire sur Mars ? Aurait-il apprécié d’être dans un avion sous les ordres de groupe de microprocesseur à envoyer systématiquement l’état du train d’atterrissage ?
Finalement Georges se trouvait satisfait de sa situation. Certes il ne faisait pas partie de l’élite, mais il était dans un cadre confortable. Il préférait sa place à celle de Romain. Lui n’avait pas eu de chance. S’il avait réussi à se faire embaucher par un grand groupe français, il n’imaginait pas finir dans un sanibroyeur. Son travail, certes un peu moins complexe que celui de Georges ne sentait pas la rose. Et les flux qu’il déplaçait chaque jour le lui rappelait.
Georges et ses camarades ont colonisés la Terre. Ils sont des dizaines de milliards actuellement en activité dans le monde, voir plus. Ils sont présents dans tous les secteurs d’activités et répètent le schéma pour lequel ils ont été programmés, inlassablement. Certes, à tout moment ils savent qu’ils peuvent changer de place. Mais en général, une fois installé, pourquoi seraient-ils rappelés pour une nouvelle mission ?