Rex ! attaque !

Lors d’un match de boxe, si le boxeur gagne c’est grâce à son talent, ses efforts et son travail. S’il perd, c’est la faute de son entraîneur. La réflexion est simpliste mais communément admise. Simpliste parce qu’on ne connaît pas les relations entre l’entraîneur et le boxeur. Le programme d’entraînement est-il suffisant ? Est-il respecté ? Changeons d’entraîneur. Si les résultats ne viennent pas, le boxeur sera alors vu comme un tocard. 

En plus des deux protagonistes, il font considérer un troisième acteur : le public. C’est lui qui juge au final alors qu’il ne connaît que ce qu’il voit : la prestation du boxeur sur le ring. Il ne voit donc pas ce qui se passe hors de la scène soit la majorité des faits qui décideront victoire ou défaite. Au mieux, il peut se baser sur une autre information, le nombre de victoires et de défaites de l’athlète. S’il est plus instruit, il prend aussi en compte les résultats précédents des adversaires. 

L’exemple présenté est simple, mais on peut recommencer avec un cas plus complexe comme une équipe de rugby. Il n’y a pas 1 acteur mais 15 sur le terrain, opposés à 15 adversaires. Mais on peut toujours considérer que ce n’est qu’une équipe, supervisée par 1 entraîneur. Le point commun, en cas de défaite, l’entraîneur est aussi exposé que l’équipe. La différence est qu’il n’y aura pas 15 tocards mais 3 ou 4 et éventuellement l’entraîneur. C’est un peu mieux réparti.

En cas de répétitions des défaites par contre, le public demandera le changement de toute l’équipe et de l’entraîneur. Encore une fois, on ne se posera pas les questions sur la préparation, le respect des consignes de jeu ou l’étude de l’équipe adversaire pour répartir les responsabilités. Ce travail sera fait par la fédération. Mais le public lui demandera toujours la démission de l’entraîneur et des joueurs qu’il considèrera comme mauvais. 

Cela me fait dire que plus on multiplie les intervenants et plus il est difficile de juger. La notion de retour d’expérience est prise en compte mais plus on s’éloigne des acteurs principaux et moins ce retour d’expérience (Rex) est efficace. Concrètement, après les joueurs et l’entraîneur, les mieux placés pour juger sont ceux qui ont encadrés les équipes avant la rencontre. Plus on est proche des acteurs et mieux on peut dicerner les forts et les points faibles. 

Le retour d’expérience permet d’apprendre de ses erreurs et de capitaliser sur les bonnes pratiques. Ces dernières seront reproduites sur les futurs projets. Encore faut-il que le retour d’expérience soit correctement évalué par les bonnes personnes ? Dans certains cas, ce ne sont pas les experts qu’on écoutera mais ceux qui crieront le plus fort. Ainsi, on a vu des entraîneurs se faire évincer trop tôt pour ‘manque de résultat’ alors que leur travail rejailliera plus tard sur les résultats de l’équipe. Mais je ne crie pas encore au loup.

Il est dit que le niveau d’intelligence d’une foule est égale au niveau d’intelligence de son plus stupide élément. En clair, il arrive que les gens les moins impliqués et les moins au courant dans un projet soient aussi les plus influents. Ils réagissent sur le coup de l’émotion et non suite à une réflexion poussée. ‘Penser qu’on a moins tort lorsqu’on hurle plus fort ?’. Cela peut fonctionner, mais personne n’en sort grandi. 

C’est comme si lors de la coupe du monde de rugby, la décision sur la constitution de la feuille match et le devenir de l’équipe reposaient sur des piliers de bars qui n’auraient même pas regardé le match mais uniquement regardés quelques actions choisies au hasard et écouté les commentateurs les moins avertis. Sans retour d’expérience, je doute que l’équipe ira loin. 

Alors maintenant je vous pose une question. Prenons un projet complexe qui nécessite l’intervention de nombreux intervenants et de prestataires indépendants sur des domaines pluridisciplinaires, supervisé par un architecte maître, des architectes par domaine et un nombre important de sous-chef dédiés chacun à une portion du projet. Comment s’assurer de la réussite du projet ?

Posons la question différemment. En cas de difficulté, avant que celles-ci ne deviennent insurmontables, qui prendra la bonne décision pour réajuster la situation ? 

Réponse 1 : des chefs de chantier qui ont suivi les tâches et possèdent une vision cohérente du projet global. Des gens capables de prendre en compte correctement le retour d’expérience, donc capables de ne pas reproduire les erreurs et d’apporter les bonnes pratiques pour la suite du projet. S’ils sont écoutés par les promoteurs du projet alors les problèmes seront rapidement résolus.

Réponse 2 : des experts comptables qui basent leurs décisions sur des indicateurs financiers alimentés automatiquement par des outils de suivi, et des ‘politiciens’ qui ont répétés à leurs chefs et à leurs auditoires qu’avec eux, ce serait mieux. Si les décisions sont décorrélées de la réalité comment espérer que le projet s’améliore ? Le retour d’expérience n’est pas pris en compte mais les têtes sont tombées. Tout va très bien jusqu’au prochain échec qui ne tardera pas à arriver.

On peut se demander parfois si les grands projets ne sont pas supervisés par des piliers de bars qui ignorent les remontées du terrain. Sans eux, Brunet ne pourrait plus faire sa chronique ‘merci les français’ et la revue Capital devrait trouver d’autres sujets. Si on veut progresser, il faut être capable de se remettre en cause et apprendre de ses échecs comme de ses réussites. Mais ce travail est le moins visible. 

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