L’identité numérique est ce qui nous rend unique sur Internet. Le problème est qu’elle n’existe pas. Lorsque nous nous inscrivons sur un site, rien ne nous oblige à donner notre vrai nom ou notre vrai adresse (mail et physique). Le site ne vérifiera pas. Même sur un site marchand, si nous voulons rester anonyme, il suffit de payer avec une carte bancaire trouvée et de se faire livrer dans des casier automatique.
Dans ces conditions, comment ne pas tomber dans la paranoïa. C’est un fait, mais la confiance existe dans notre société. Sans confiance, nous ne pourrions pas avancer ensemble. La plupart des gens offrent donc honnêtement leurs données aux sites. Une amélioration est la cooptation, le site S sait que l’utilisateur B est réel parce qu’il est connu de l’utilisateur A qui lui même est reconnu et validé par S.
C’est ce système qui a été utilisé par Facebook (FB). Ne voulant pas d’utilisateurs anonymes, FB s’assure de la réalité de ces utilisateurs par rapport à leurs cercles d’amis et à la réalité de leurs relations. Cette réalité s’exprime par les textes, les photos et les vidéos postés sur le profil de l’utilisateur. Je suppose que chaque compte à aussi une note de crédibilité puisque les conditions d’accès à FB ont depuis été assouplies.
Utilisateurs reconnus et nombreuses photos, en 2011, FB a proposé un algorithme de reconnaissance des visages. En postant une photo, il devient possible d’associer un nom sur chaque visage. Le propriétaire du compte valide les déductions de FB et enrichi la base de données. À partir de là, on peut commencer à s’inquiéter. Si FB vous reconnaît sur une photo en boîte de nuit alors que vous êtes en arrêt maladie …
Les algorithmes de reconnaissance faciale comparent ce qu’on appelle les données biométriques. Sur une photo, il est facile de repérer pour un visage la forme, les yeux, les oreilles, le nez, la bouche, les cheveux et de rapprocher ces informations (taille, couleur, écart, …) de celles connues dans une base de données. Ces détails de notre visage, nous sont propres et nous identifient. Et ce ne sont pas les traces sur les réseaux sociaux qui manquent.
Les ordinateurs actuels sont suffisamment puissants pour que les algorithmes arrivent à identifier quelqu’un sur une vidéo en temps réel. Il devient alors facile de suivre une personne en particulier dans la foule avec des caméras de surveillance. Mais on n’est pas en Chine. Avec ces outils, il devient possible d’associer une identité réelle à une identité numérique. Nos actions sur Internet deviennent réelles.
Dans ce contexte technologique, notre Administrations innovent : Alicem. Il s’agit d’une application du gouvernement français disponible depuis juin 2019 pour assurer notre identité numérique. Pour cela, Alicem est installée sur notre smartphone Android. Avec l’aide des informations biométriques connues sur notre passeport et quelques photos et vidéos prises depuis notre téléphone, elle assure notre identité numérique. Ensuite, pour s’identifier à un site, un code PIN suffit.
Pour rassurer l’utilisateur, le ministère de l’intérieur invoque le haut de maîtrise de ses données. Il explique que les photos sont conservées sur le téléphone de l’utilisateur et les vidéos sont immédiatement supprimées. Sûrement. Mais que sont devenues les données biométriques et les scores qui identifient l’utilisateur. Ces détails techniques sont plus pertinents que les photos et vidéos. Qui nous dit qu’ils ne seront pas utilisés plus tard pour de la surveillance de masse ?
[Mode parano Off] Comme toujours en France, on prend les dernières technologies, et on les tord pour les faire rentrer dans des procédures qui ont au moins 15 ans de retard. Notre identité numérique est en définitive protégée par un code PIN. Allez prouver que ce n’est pas vous qui avez écrit ce message insultant ou validé cette transaction, mais votre collègue de bureau qui vous a vu saisir votre code et a ensuite emprunté votre téléphone.
Dans ‘Souriez ! Vous êtes filmés !’, je disais qu’il était facile de contourner la surveillance de masse. Dans son dernier album, Philippe Katerine apporte involontairement une solution. La pochette de son album a été floutée par l’algorithme d’Apple Music. En effet, l’algorithme a confondu le faux nez sur son visage avec un pénis. Louxor J’adore. Les IA utilisées pour la reconnaissance d’images recherchent ce qu’on leur dit de rechercher.
Dans la surveillance de masse, le process recherche les données biométriques de notre visage. Il est pourtant facile avec un peu de maquillage ou un faux nez de fausser les calculs. Et cela paraîtra moins suspect qu’une cagoule ou qu’un masque pour votre prochaine manifestation.