((Ceci est une fiction mais deviendra peut être une réalité dans quelques années.)) Le téléphone sonne dans un salon de coiffure d’une modeste ville de province. Sans attendre, la conversation commence.
- ‘Bonjour, je souhaite prendre rendez-vous pour une coupe au plus tôt. Quelles sont vos disponibilités ?’ dit Bob.
- ‘Bonjour, Je regarde mon agenda. Nous avons un créneau disponible lundi à 15h30.’ répond Alice.
- ‘Attendez, je vérifie mon agenda. Non ce n’est pas possible. Avez-vous une autre date ?’
- ‘Oui, effectivement. Il y a aussi une possibilité lundi à 15h45.’
- ‘Non ce n’est pas possible. Avez-vous une autre date ?’
La conversation se poursuit ainsi durant 10 minutes, par palier de 15 minutes sur les horaires d’ouverture du salon, jusqu’à arriver à une date satisfaisante, le samedi à 10h du matin. Quelle coiffeuse ne réagirait pas en demandant simplement les disponibilités de Bob ? Bob semble aussi un peu gris pour répéter ‘ad libidum’ la même phrase. Alice n’est pas mieux. Et pour cause, Bob et Alice ne sont pas humains.
La dernière technologie Google : Duplex. Ou comment remplacer le secrétariat par des automates intelligents. Désormais, vous pouvez avoir votre secrétaire personnel, disponible 24/24 pour rien puisqu’il s’agit d’un service Google. Enfin, presque rien. Vous n’avez pas lu les conditions d’utilisation mais vous avez signé le pacte. Et acceptez que Google exploite vos informations personnelles partagées avec l’assistant.
De l’autre côté, les vraies secrétaires disparaissent, remplacées par leurs homologues numériques. Déjà, le métier avait profondément changé. Le secrétariat traditionnel avait été remplacé par des centres d’appels. Dès lors, lorsque vous appeliez votre médecin, ce n’est pas sa secrétaire personnelle qui notait les rendez-vous, mais une opératrice, parfois à l’autre bout du monde qui mettait à jour son agenda numérique.
Mais depuis la révolution Google Duplex, la colère gronde dans cette profession qui est de plus en plus mise à l’écart. Comment lutter contre un concurrent gratuit, immatériel et doué du don d’ubiquité. La colère divine a frappé le domaine du secrétariat. Certes, le service rendu présente de nombreuses anomalies à cause des maladresses des concepteurs et développeurs, mais il est probable qu’il va s’améliorer.
Devant la perte de leur poste, une lutte s’engagera entre les professionnelles et leur ennemi numérique. Au final, le résultat sera toujours le même. Des outils déshumanisés pour la masse. Quelques secrétaires resteront dans les entreprises basées sur le haut de gamme. Elles seront assistées par le traître numérique pour être plus performantes et trouveront un rôle de faire valoir.
Revenons sur le dialogue entre Bob et Alice. Errare Humanum est, Perseverare diabolicum. L’informatique serait donc le mal. Et l’inquisition saura juger ceux qui ont promu cette aberration. En fait, non. L’inquisition n’existe plus. Le progrès moderne peut donc apporter ses bienfaits, même si c’est au détriment de certains emplois. Les tâches répétitives sont automatisée ce qui laisse plus de temps libre aux hommes.
Pour autant, devrait-on remercier Bob et Alice pour leurs services ? À mon avis, le vrai problème n’est pas le service mais le consommateur. Tout dépend de ce que nous ferons de ce temps gagné grâce à la conciergerie numérique.