Avant, l’archétype du professeur de sport était un grand, blond, baraqué qui balançait des conseils à la volée à ses poulains pour tirer le meilleur d’eux. On avait donc droit à toute sorte de stratégies farfelues pour améliorer ses performances. Et dans certains cas, cela pouvait fonctionner. En pratique, dans le sport, on trouve beaucoup d’appelés pour peu d’élus. Tous les moyens, ou presque, sont donc bons pour gagner.
L’informatique fait désormais parti de ces stratégies. En réalité, il est arrivé très tôt dans le monde du sport sous sa forme mathématique. Tout passionné de sport s’intéresse au résultat de son équipe favorite et connais les résultats de celle-ci tout le long de la saison. Le journal l’Équipe publie les résultats de nos sports favoris depuis 1946 et permet de connaître les moindres défaillances de tous les champions.
À partir de nombreuses sources d’informations, des passionnés ont construit des outils statistiques pour prédire les résultats des prochaines compétitions. Si les turfistes ont longtemps été en avance sur le domaine, le résultat n’était en pratique que rarement assuré. La masse d’information toujours plus conséquente et l’informatique ont permis d’améliorer cela.
L’une des histoires les plus marquantes a eu lieu dans le domaine du baseball. Alors qu’il perd ses meilleures recrues et voit ses moyens réduits, Billy Beane, manager des Oakland Athletics, engage un statisticien afin de retrouver des talents à moindre coût. En apparence dépareillée, l’équipe formé se révèle performante pour un budget modeste. Cette histoire exceptionnelle a été adaptée en film en 2011 avec Brad Pitt : le Stratège.
Dans cette histoire, informatique et statistiques sont utilisées pour le recrutement des joueurs, pour le suivi de leur performance et pour la constitution de l’équipe. Ainsi, l’avis des entraîneurs est remplacés par celui d’un informaticien. Le résultat a était tel que les outils créés à l’époque régissent aujourd’hui le monde du baseball américain.
Aujourd’hui, Philippe Lucas a donc été remplacé par Jean, petit boutonneux à lunettes diaphane, qui calcule les performances de chaque joueur de l’écurie et décide qui vendre ou qui acheter. Même l’entraîneur se réfère à Jean pour prendre les décisions capitales pour l’équipe.
Mais la révolution informatique du sport ne s’est pas arrêtée à quelques statistiques relevées par des observateurs externes. Trackers d’activités et autres montres connectées se sont fait une place au soleil. Les sportifs de haut niveaux sont suivi tout le long de leur effort. Ainsi rythme cardiaque, VO2 Max, saturation de CO2 dans le sang et autres indicateurs biométriques sont pris en compte.
Les maillots de nos footballeurs sont aussi truffés d’électronique. En intégrant un GPS, il est possible de dessiner tout le parcours d’un joueur. Nos sportifs sont donc traqués sur tous les aspects de leur activité. Il ne manquait plus qu’à équiper le corps arbitral pour s’assurer du bon déroulement du match. La vidéo a fait son apparition depuis longtemps et les aides informatique permettent de toujours prendre la bonne décision.
Une telle quantité d’information a rendu les journalistes sportifs de RMC inquiets. Tous ces bidules vont rendre les matchs hachés. S’il faut s’arrêter toutes les 5 minutes pour constater la validité de l’action, on ne va pas en finir. En pratique ce n’est pourtant pas le cas. La plupart des fédérations ont adaptés leurs règles pour limiter les abus de la part des joueurs pinailleurs. Le débat s’était déjà posé pour la vidéo.
Cela n’empêche les experts de RMC de s’inquiéter de l’envahisseur numérique. Leur constat est le suivant. Aujourd’hui, les joueurs de rugby n’osent plus tenter des coups de peur de faire baisser leurs statistiques personnelles. C’est donc la fin du French Flair sur les terrains. Un jeu organisé autour du collectif se retrouve gâché, à haut niveau, par des préoccupations individuelles des joueurs.
Les costauds du rugby ont désormais peur du maigrichon Jean. Pourtant, c’est l’entraîneur qui décide et les joueurs qui agissent. Qui aurait cru que le geek serait meilleur que le sportif sur le terrain ?