Café philosophie #8

Je voulais vous parler d’une histoire mais je ne m’en souviens plus. Oui, je sais. J’ai déjà fait cette blague. Et pourtant, elle reste toujours d’actualité. Lorsque nous ouvrons nos albums photos, nous repensons à ces moments heureux. Derrière chaque image, il reste des souvenirs. Et même, si certains de ces moments nous paraissaient difficiles, avec le recul, nous nous rendons compte de l’importance de nos actes.

Depuis qu’une partie de notre vie a basculé sur cette quatrième dimension qu’est le monde informatique, et Internet en premier lieu, nous avons accumulé des textes, des images, des vidéos. Nous avons partagé nos idées sur des forums. Ces informations partagées, dans le temps, nous définissent. Et pourtant, souhaitons-nous vraiment nous rappeler notre épopée numérique ? 

Lorsque j’écoute la chanson ‘Forgotten Times’ que j’ai découvert grâce à l’excellent film ‘Infernal Affairs’, je suis envahi par un sentiment de nostalgie. Pourtant, je ne comprends pas les paroles. Le mandarin, cela reste du chinois pour moi. La scène du film où cette chanson est entendue est un moment clé mais n’évoque en rien le regret. Non, la voix seule entraîne dans le passé, et en même temps, aide les héros à avancer. 

Quel rapport entre Internet et une vieille chanson ? Le souvenir. L’aspect immatériel d’Internet fait que seul le présent semble compter. Pourtant, ce que nous avons dit est réel. ‘Les paroles s’envolent, les écrits restent’. Pourtant certains désirent dégrader ces souvenirs. En clair, on pourrait dire n’importe quoi, mais au bout d’un certain nombre d’années, une prescription effacerait nos excès verbeux. 

Certains l’appellent le droit à l’oubli. Bien sûr, cela part d’un bon sentiment. Les employeurs peuvent juger les futurs candidats suivant leurs profils Facebook. Si vous mettez des photos de vos soirées, partagez-les uniquement avec vos amis. Si un employeur tombait dessus par hasard, quelle image aurait-il de son futur candidat ? Un message un peu trop appuyé sur un forum vous classera comme un colérique. 

Bref, pour votre bien, et celui de l’humanité, il faut oublier le passé ! Je ne pense pas. C’est notre vécu qui nous distingue. C’est le regard des autres qui nous permet de progresser. C’est parce que nous savons d’où nous venons, que nous avançons. Certes, la parole est publique sur Internet. Et c’est bien pour cette raison que nous devons faire un effort lorsque nous nous exprimons. Et il en est de même dans notre vie réelle. 

À qui profite réellement le droit à l’oubli ? Pensez vous que les employeurs cherchent des clones pour leurs entreprises ? Ce droit à l’oubli, si souvent évoqué, l’est surtout par des toxiques qui souhaitent effacer leurs excès. Depuis que l’information circule, les censeurs exercent. Tout ce qui déplaît aux puissants doit disparaître. L’image, telle est la raison des promoteurs de ce droit. 

Le droit à l’oubli est un moyen pour certains de ne pas assumer leurs actes. Tel escroc cherchera à faire disparaître des moteurs de recherche les condamnations le concernant. Telle personnalité publique souhaitera que ne soit plus évoquée ses comportements déviants. Tel citoyen demandera, au nom du droit à l’oubli, l’effacement des dossiers litigieux le concernant auprès des Institutions. 

Et pour se justifier, ils prendront le cas d’une jeune fille dont les paroles excessives lui ont valu de nombreuses menaces. Ils oublieront bien sûr le contexte privé des échanges de la jeune fille. Ils nieront la répétition et les conséquences de leurs actes ou parleront de ‘second degré’. Au contraire, ils se placeront en victime d’un système et refuseront de reconnaître l’impact de leurs paroles. 

Quelle société peut rejeter son existence et sa mémoire ? S’il est normal de demander la suppression de contenus outranciers et insultants, il ne faut pas tout confondre : 

  • Tout n’est pas public sur Internet. 
  • Ce qui est public se doit d’être réel ou clairement identifié comme une opinion. 
  • Nos opinions peuvent évoluer dans le temps. 

Sans passé, nous reproduisons les mêmes erreurs. Alors oublions ce droit absurde. 

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