Le poisson rouge mérite mieux que ces vieux préjugés, mais il me faut vous parler de ce livre. ‘La civilisation du poisson rouge’ se veut le procès de l’un de mes principaux sujets : Internet. Nous sommes manipulables et manipulés et les nouvelles technologies de l’information ont poussé ce système dans des retranchements que les pires marketeux n’auraient pas espérés.
Le postulat de base du livre est que la mémoire d’un poisson ne dépasse pas 8 secondes. Ainsi chaque 8 secondes, il redécouvre son monde. Par extension, les drogués d’Internet ont un temps de concentration maximum de 9 secondes. La population accros aux réseaux sociaux étant de plus en plus importante, notre civilisation se rapprocherait de celle des poissons rouges.
Ainsi, ce livre réalise un tour de l’Internet actuel. Après un bref retour en arrière sur les craintes d’un monde qui ne saurait s’occuper à cause du temps libre créé par la mécanisation des tâches, l’auteur constate que la réponse apporté par le nouveau média a rempli ces blancs jusqu’à ne laisser aucun espace de respiration. Notre smartphone aspire jusqu’à nos derniers moments d’ennuis en proposant ‘ad libitum’ des contenus pour nous divertir.
Le choix quasi infini de contenus annihilerait l’ennui et les moments de réflexion. Selon l’auteur et des études choisies, notre temps de concentration serait équivalent à celui d’un poisson rouge. Les algorithmes des leaders d’Internet capteraient notre attention au maximum. Basés sur des études menées sur des souris dans les années 30 suivant une logique de gain aléatoire, Internet nous garderait captif.
Le parti pris de l’auteur sur les méfaits d’Internet me dérange. Certes, je fais les mêmes constats pour les mécanismes de manipulation. Mais penser qu’Internet les a popularisé est faux. Ces mécanismes sont à la base du marketing des entreprises de notre société de consommation et ce depuis toujours. Elles ont été industrialisées à la fin de la seconde guerre mondiale. L’auteur n’a peut être jamais eu de télévision ?
Netflix n’a pas inventé les cliffhangers dans les séries. Hollywood et les studios de télévision le faisaient bien avant pour s’assurer de la captation de l’audience. Electronic Arts (EA) n’a pas inventé les gains aléatoires. Les loteries nationales maîtrisent depuis très longtemps ces mécanismes. Le nombre de technique pour garder captif son audience est monstrueux. Et pourtant l’auteur semble mettre ces créations au crédit des grands groupes d’Internet.
Il faut dire qu’Internet apporte un outil dont rêvait depuis très longtemps les génies du Marketing : le retour client instantané. Et instantanément, ils peuvent adapter leurs produits pour attirer le client. Après deux décennies de tâtonnements, leurs algorithmes ressemblent désormais à un piège inévitable. Créés il y a 30 ans, Internet ne serait plus l’utopie du partage de la connaissance mais un repère de marchands.
Où veut nous mener l’auteur ? Je n’ai lu la moitié du livre, en diagonale, mais j’ai deux hypothèses.
Soit la seconde partie du livre décrypte plus le mécanisme de manipulation et les comportements à long terme que cela peut engendrer. Comme pour la télévision, une culture parallèle se dégagera d’Internet, les consommateurs acquérant une certaine maturité face aux mécanismes de manipulation.
Soit la seconde partie du livre propose un parti pris idéologique contre Internet et demandera de rejeter ce média afin de nous préserver de ses dérives en prodiguant des conseil sur quels courants de pensées suivre.
Je me dois de sauver l’honneur des poissons rouges. Des études ont montré leurs capacités d’apprentissage et de résolutions de problèmes. Ils ont une mémoire bien supérieure à 8 secondes. Si quelqu’un vous enfermait dans un bocal, il ne faudrait pas longtemps pour que vous tourniez en rond.
Et je me dois de sauver l’honneur de notre civilisation. Si nous n’avions que 9 secondes d’attention, cela fait bien longtemps que notre civilisation se serait effondrée. Le travail, la famille et les loisirs sont des temps distincts de nos vies. De plus, Internet est une fenêtre vers le monde. Et la confrontation d’opinions nous fait progresser.
Je vous laisse vous faire votre propre opinion. L’auteur, aussi diplômé qu’il soit, n’est pas porteur de vérité. Je suis bien placé pour savoir qu’il est difficile de vulgariser les mécanismes d’Internet. De même pour les sciences sociales …