Demolition man

Nous sommes en 2030. La plus grande crainte des membres de l’apéro du Captain s’est réalisée. Patrick Béja est devenu président de la république. En 2027, suite à une campagne acharnée face à une dizaine d’autres postulants crédibles, il a obtenu 12% des voies et s’est retrouvé au 2ème tour face à Marine Lepen. Et n’importe qui gagne face à un Lepen. Depuis, la France a réellement pris le virage technologique. 

Et le virage a été brutal. Désormais l’informatique se doit d’être partout dans notre société afin de régler tous nos défauts.

Prenons l’exemple d’Emmanuel. Manu pour les intimes est ce que l’on appelle communément un ´beauf’. Il aime les voitures puissantes. Il apprécie la nourriture riche et les boissons alcoolisées. Fan du PSG de la première heure, il assiste à tous les matchs. Il considère que les femmes s’occupent du ménage et de la cuisine. Les hommes eux réalisent les travaux physiques comme l’entretien de la voiture, du jardin et le bricolage.

Bref Manu est en marge de notre magnifique civilisation progressiste qu’est la France. Heureusement pour Manu, notre sympathique président utilise les moyens technologiques pour lui permettre de cohabiter avec les autres concitoyens.

Prenons la passion immodérée de Manu pour les voitures. On a des voitures qui peuvent rouler à  200 km/h et les rues encore autorisées le sont à 30 km/h pour les véhicules électriques. Paris a devancé Londres et les véhicules thermiques sont interdits. Cela n’a pas empêché notre sympathique artisan de débarquer chez ses clients avec son Renault Kangoo diesel. Il n’aurait pas dû accepter le verre offert par un client aimable. 

Et oui, le taux légal est passé à 0 gramme. Multirécidiviste et commettant plusieurs infractions simultanées, en démarrant sa voiture, Manu a été immédiatement interpellé par les drones municipaux. L’IA étant obligatoire dans tous les véhicules, sa fidèle Kangoo l’a trahi. Sans permis mais devant travailler, Manu se laisse désormais conduire par la Zoé Kangoo électrique de niveau 5 d’autonomie

Ce soir Manu reçoit son beau-frère Jean-Jérôme, dit JJ, à dîner. Ce dernier, cadre logistique chez BioNatura, est un progressiste engagé. Durant le repas, il garde ainsi la version 7 des iGlass de chez Apple. Ce modèle intégre un module de conversion son et images. Ainsi, la musique de fond proposée par Manu et intégrant les plus grands titres de Mickael Youn est convertie en des chansons plus inclusives. ‘Confessions nocturnes’ remplace ‘Mauvaise foi nocturne’ dans les oreilles de JJ.

Le nouveau produit d’Apple traduit en temps réel les paroles de Manu. Ainsi, le mot ‘cons’ est remplacé par le terme ‘autres’. Il en est de même pour les images. Ainsi, devant l’écran du salon, les beaux-frères assistent à un programme différent. Ils partagent la même joie lorsque Kylian inscrit son 250ème but avec son club de cœur et Virat marque 6 runs. Les repas de famille sont plus apaisés.

Le repas se termine et Manu se propose de raccompagner JJ chez lui. Ce dernier décline poliment. L’énergie est un bien précieux. Depuis la fermeture des centrales nucléaires, les bons citoyens utilisent les vélos électriques ou rentrent à pied. Grâce à un ingénieux système de SmartGrids, l’énergie est répartie en fonction des besoins des gens. Et les drones municipaux veillent à la sécurité de chacun. 

Un plan gouvernemental a permis de rendre passif l’ensemble du parc immobilier français. Chaque maison est couverte de tuiles qui récupèrent l’énergie solaire et la réinjecte dans le réseau. Alors que JJ ressort l’ensemble du discours officiel, Manu lui fait remarquer que c’est son travail d’installer et de maintenir ces équipements. JJ salue son beau-frère et s’en va. Manu trouve JJ très ‘autre’ dans ses discours, mais il est de la famille. 

Dans son bureau, notre brave président constate les effets positifs de sa politique. L’inclusivité et le progressisme portés par le numérique fonctionnent. Pourtant des questions existentielles le travaillent. Ces béquilles numériques sont-elles durables ? N’est ce pas la divergence des points de vues qui nous fait avancer ? Il y a autant à apprendre d’une réussite que d’un échec. En normalisant les relations, nous perdons les 2.

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