La REEN dérape

La COP 26 fait tourner les têtes dans toutes les administrations. La noble maison se doit de prendre sa part dans le combat pour la protection de la planète. Pour cela, un petit groupe de sénateurs se concentre sur le vilain Internet et ses services tentaculaires. Ce grand pollueur devant l’éternel doit être repris en main par nos vaillants soldats.

C’est ainsi qu’un plan de bataille est mis en place pour sauver la planète. Et quel plan ! Alors que je ne voulais aborder que le sujet qui faisait les choux-gras de la presse numérique, l’application de la taxe numérique aux produits reconditionnés, je me suis retrouvé pris à étudier ce flot de propositions étranges. 

24 articles répartis dans 4 chapitres. C’est comme ouvrir un livre étrange où la logique commune semble ignorée. Sous couvert de réduction de l’empreinte environnementale du numérique (la REEN), des règles dénuées de lien avec le monde réel sont proposées. 2% de 0,9% de la consommation d’énergie mondiale, il n’y a pas de petites économies. Mais est-ce applicable ? Et cela apporte-t-il un réel progrès ?

On a déjà vu l’article 15 qui se voulait d’interdire les forfaits illimités. Comme si quelqu’un pouvait dépasser les 30 Go de données d’un abonnement téléphonique standard ou les 150 Go proposés par certains opérateurs. Alors de là à ce qu’un jour les marketeux des opérateurs imaginent des forfaits illimités …

L’article 14 est aujourd’hui mis en avant dans la presse. Il faut dire qu’imposer une taxe (pardon une ‘redevance’) qui a déjà été payé lors du premier achat de l’appareil, cela paraît étrange dans la lutte contre le gaspillage. Les reconditionneurs, les professionnels sur le marché de l’occasion, y voient un racket qui augmente arbitrairement d’une dizaine d’euros le prix des téléphones. 

Bien sûr, la taxe ne s’applique qu’en France. Les revendeurs frontaliers applaudissent. Et parlons de son objectif : rémunérer les artistes dans le cadre de la copie privée. Qui copie ses disques, cassettes et CDs sur son téléphone ? Nous ne vivons pas au même siècle que ces étranges fonctionnaires. 

Mais le projet de loi comporte bien d’autres articles aussi étranges qu’intriguants. 

Dans l’article 2, nos sénateurs se proposent d’expliquer aux développeurs et aux étudiants comment programmer en respectant l’écoconception. Comment expliquer ? Le but d’une société du numérique est de rendre le meilleur service à ses clients. Cela passe par la réactivité du service. Donc l’objectif est d’optimiser les ressources nécessaires au maximum.. 

Tous les développements vont dans le sens de cette optimisation. Gratter des millisecondes sur un traitement appelé des millions de fois par jour sur un serveur ou diminuer la taille d’un contenu pour gagner quotidiennement des Go de bandes passantes, bien sûr que les sociétés du numériques vont demander aux développeurs d’aller dans ce sens. 

Les neuf articles du chapitre 2 ressemblent à un discours que même Miss France n’aurait oser prononcer : la lutte contre l’obsolescence matérielle. La quasi-totalité des équipements informatiques est fabriquée en Asie. Les logiciels sont développés aux Etats-Unis. A moins que nous ne renoncions à nos ordinateurs, tablettes et téléphones intelligents, je ne pense pas que menacer des constructeurs étrangers soit efficace. 

L’Europe est bien faite. Les vendeurs frontaliers se frottent les mains. Les fournisseurs de services peuvent exercer dans des pays où les contraintes sont moindres puisque Internet n’a pas de frontières. La solution serait de privilégier les entreprises souveraines, mais la commission de Bruxelles veille.

Les articles s’enchaînent, sans solution concrète derrière. Article 18, obligation de transmettre les vidéos à la résolution maximale du terminal. Article 19, interdiction de lancement automatique des vidéos. Article 20, interdiction de services à défilement ‘infini’. Y a-t-il un développeur pour sauver l’Assemblée ? 

Je vous laisse profiter du projet de loi. Le fait d’étudier des propositions déjà réalisées par les professionnels du numérique ou inapplicables dans le monde réel me donne mal à la tête. Je vais prendre une aspirine. L’enfer est pavé des meilleures intentions. Et l’enfer numérique est situé 15 rue de Vaugirard à Paris.

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