Sillon de données

Positionnée sur un bras mécanique, l’aiguille tombe sur le bord du disque. Ce dernier tourne sur lui-même, entraîné par un moteur. Lentement, un ressort emporte la pointe vers l’intérieur du disque qui entre dans un sillon. Le son craque dans le cornet et la musique commence. Si la forme la plus simple pour stocker du texte était le rectangle, le disque semble plus approprié pour devenir le média de la musique. 

Le procédé a évolué. Le disque est désormais en plastique et tourne sur une platine au rythme de 33 tours par minute. L’aiguille a été remplacée par un diamant et l’électronique a permis d’augmenter le son sans détériorer l’information. Les amateurs de musique ne jurent que par le vinyle même si l’information y est analogique et peu précise. 

Pourtant, le principe va donner des idées aux chercheurs en informatique. A l’époque, les informations sont inscrites sur des cartes perforées. Si je n’ai pas connu cela, les anciens semblaient traumatisés par ce mode de stockage. La forme rectangulaire n’est rapide ni en lecture ni en écriture. Et une fois inscrite, la carte ne peut être modifiée. 

Un chercheur d’IBM imagine une solution où l’information sera inscrite sur un disque qui tourne. Au lieu d’être gravée et poinçonnée, l’information sera stockée sur un support magnétique. Un aimant lira ou inscrira les données. Bien sûr, la tête de lecture ne doit pas toucher le disque au risque de le rendre illisible. Un coussin d’air la gardera en suspension au-dessus de la surface.  

Contrairement à la version analogique où le sillon est continu jusqu’au centre du disque, la version numérique découpe le disque en pistes distinctes. Ainsi, la tête ne bouge pas lorsqu’elle lit une donnée. Le disque tourne à son rythme pour compléter l’information. Si cette dernière est située sur une autre anneau du disque, la tête se déplace dans un bruit de grattement caractéristique.  

Un disque possède 2 faces. Une tête de lecture/écriture sera placée sur chaque face. Et puis pourquoi se contenter d’un disque. Si on peut en empiler 50, il sera possible de stocker plus d’informations. Ainsi est né le premier disque dur (DD) en 1956.  L’IBM 350, la version 2.0 du gramophone, ne stocke que 5 Mo de données mais il pose les bases de toute la technologie.  

L’engin de 2 tonnes fait sourire les amateurs de cartes. Mais, contrairement à celles-ci, l’information est très rapidement accessible. Inutile de chercher parmi des centaines de cartes pour trouver le programme à utiliser. Il suffit de connaître son adresse sur le disque pour le retrouver et le charger quasi instantanément. De plus, en cas d’erreur, l’information est facilement corrigeable. 

A cela s’ajoute la miniaturisation. Si le premier disque dur faisait la taille de deux gros frigos, il ne faudra pas longtemps pour qu’il se réduise à la taille d’un livre de poche. 

((Pour info, si je parle de disques, de pistes et de secteurs (subdivisions de la piste), la vision informatique voit plutôt des Cylindres, des têtes (Head en anglais) et … des Secteurs. Le cylindre est la vision des anneaux de même diamètre pour l’ensemble des disques physiques. Ainsi l’adresse d’un bloc de donnée est exprimée suivant un numéro de cylindre, un numéro de tête et un numéro de secteur : CHS. ))

Ainsi pendant 6 décennies, Dédé était l’incontournable périphérique de stockage de nos ordinateurs.   

Pourtant, aujourd’hui notre héros a disparu dans les nuages. Fini l’époque où il était plébiscité dans les ordinateurs grands publics. Les jeunes générations n’entendront plus ses grattements. Il a été remplacé par plus rapide que lui. En effet, ses pièces mécaniques sont fragiles et nécessitent au pire quelques dixièmes de secondes pour retrouver les données. C’est trop long pour les jeunes générations qui ne supportent plus d’attendre. 

Désormais, Dédé travaille dans d’immenses entrepôts. Comme il se situe à l’autre bout du monde, les gens ne se plaignent pas si l’information n’arrive pas dans la seconde. Et puisqu’il coûte 4 fois moins cher pour stocker les mêmes quantités d’informations que son remplaçant, notre société capitaliste continue de l’exploiter. 

Le disque dur continue donc de graver l’histoire sur un support magnétique

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J’ai de la chance !!!