Le virtuel qui fait apprécier le réel

Dans un magnifique centre de formation, face à la mer, Alexandre Bompard prend la parole devant de futures recrues. ‘Bonjour à toutes, et bonjour à tous. Je suis ravi de faire ces premiers pas dans le Métavers, et ravi de vous retrouver pour ce moment assez exceptionnel …’. Fier de cette première, le grand patron en perd ses mots.

Peut-on dire que le roi est nu ? Je n’irai pas jusque là mais le moment paraît ridicule. Rien ne va dans la scène. Un bâtiment construit par des infographistes de niveau maternelle supérieure, des graphismes dignes des consoles des pires jeux vidéo des années 2000, est-ce là l’image que souhaite donner l’une des plus grandes entreprises françaises ?

Ainsi, c’est sur la plateforme frameVR que se dérouleront les futurs entretiens d’embauche des prochains analystes et chercheurs de données (data analysts et data scientists, cela fait plus classe en anglais) de la firme. 

Le web est à la mode et le grand patron s’en félicite sur son fil Twitter. Les commentateurs ironisent sur une telle opération. Passons l’environnement digne d’un jeu pour enfant, les avatars sont représentés de manière simplifiés : un tronc, une tête … pas plus. L’arbre magique des Klorofil était plus réaliste.

Je sais que beaucoup n’aiment pas se montrer devant une webcam, mais cela permet de voir les expressions de son interlocuteur. Là, votre interlocuteur aura moins de détails qu’un playmobil. Autant couper l’image pour se concentrer sur sa présentation. Même les avatars dans le métavers de Facebook étaient plus détaillés. 

Ce n’est pas une première tentative d’incursion dans le monde virtuel pour le géant de la distribution. Au début de l’année, il avait déjà acheté un territoire virtuel dans un bac à sable (the Sandbox) pour la modeste somme de 120 ethereum (300 000 € à l’époque). Les rumeurs voulaient qu’il révolutionne l’achat  : commandez en virtuel, recevez en réel …

Je ne dois plus être à la page. Le système de ‘frameVR’ est considéré comme la variante 3D du Web. Second Life faisait mieux il y a 20 ans. Quant à ‘The Sandbox’, il révolutionne le concept de territoire virtuel en l’associant à une chaîne de bloc et prétend représenter le web 3.0, l’immuable Internet. Voilà deux nouvelles nuances de Web à ajouter.

Je perds la tête devant tant de révolutions. Mais bon, Carrefour n’est pas le premier à se baser sur Internet pour réaliser ses opérations de communications. Lors de l’élection présidentielle, le président/candidat avait fait campagne chez les mineurs. Les équipes de campagnes avaient créé un serveur sur le jeu Minecraft.  

Le résultat n’avait pas été vraiment à la hauteur. Dans ce monde virtuel, seuls les créateurs avaient le droit à la parole. L’interaction était réduite à son strict maximum. Le joueur était autorisé à se promener dans l’environnement et à écouter la profession de foi disséminée. On est loin du concept du jeu initialement voulu par Notch. Et encore plus loin du partage d’idées lors de débâts.

Bref, le succès n’a pas été au rendez-vous. Les metaverses reviennent aussi régulièrement que la technologie 3d au cinéma et à la télévision. Confrontés au monde réel, à part sous la contrainte, les gens n’en veulent pas. En règle générale, les entreprises ne communiquent pas sur les échecs. Alors je profite de ces 2 pépites récentes. 

Si je visais un poste chez Carrefour ou au gouvernement, je dirais que ces initiatives sont grandioses. Mais on ne m’a pas appris à mentir.

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