Malgré une scolarité brillante, Léa ne sait pas ce qu’elle va faire de sa vie. En tout cas, elle sait ce qu’elle ne fera pas. L’informatique est le domaine le moins passionnant au monde. Et elle en sait quelque chose. Chaque soir, elle voit rentrer sa mère épuisée de son emploi de chef de projet dans ce domaine. Même si cette dernière en parle peu, Léa voit bien que ce n’est pas une sinécure.
Non, le métier ne donne pas envie. Elle entend parfois sa mère évoquer des collaborateurs ingérables, des prestataires hors délais et hors périmètres, des retards de planning ou des applications qui ne fonctionnent pas. La vie de responsable informatique semble pénible. Alors, si c’est pour finir comme sa mère à surveiller les messages électroniques le soir sur son portable professionnel, non merci !
Mais quelque chose étonne Léa, si l’informatique est un tel calvaire. Pourquoi sa mère cherche-t-elle à continuer dans cette voie ? Elle pourrait s’épanouir dans tant d’autres domaines. Quoi qu’il en soit, la jeune femme sait que l’informatique ne lui correspond pas.
Léa aime lorsque les situations sont claires, les domaines où le besoin et sa réponse sont évidents. C’est l’exécution du besoin qui est gratifiant. Il permet de montrer ce dont on est capable, de réaliser notre place dans la société. Bien sûr, il faut que les situations, les demandes ne soient pas toujours les mêmes. Léa ne se voit pas répéter les mêmes gestes ou procédures toute sa vie.
La jeune femme a un défaut, elle ne sait pas choisir. C’est le complexe du bon élève. Habituée à avancer dans une voie tracée par ses aînés, elle ne se pose pas de questions puisque les alternatives semblent toujours moins intéressantes. C’est donc naturellement que, le bac en poche, elle s’est tournée vers une école préparatoire. Mais pour faire quoi ensuite ?
Une grande école pour plus tard entrer dans une grande institution pour participer à la réalisation de grands projets de quelques natures qu’ils soient ? ‘Pour être le premier’ comme le chante Goldman et trouver la plénitude face au monde et à ses propres limites ? Changer de voie suite à une rencontre opportune et trouver une place parmi les autres dans la civilisation humaine ?
Les possibilités sont nombreuses. Et pour se définir, il faut se confronter à la réalité. Et pourquoi ne pas commencer par la base ? On ne devient pas un bon capitaine sans connaître les réalités du terrain et cela diminue le syndrome de l’imposteur. Léa va mettre à profit ses vacances pour se confronter au monde du travail. Enchaîner les emplois précaires sera une bonne expérience et un moyen de gagner son propre argent.
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Le collège, le lycée et l’université ne nous préparent pas au monde professionnel. Nous nous déterminons par rapport à nos proches et à nos expériences. Ainsi, nous fermons des portes sans savoir si cela nous convient. Il faut bien faire des choix. C’est ainsi que des années plus tard, nombreux sont ceux qui décident de changer de voie.
Je m’inquiète un peu pour Léa. Rejeter le domaine informatique parce qu’il est mal mis en valeur par sa mère est dommageable. Ce domaine améliore les domaines sur lesquels il est appliqué. De plus, il met en pratique des démarches bien plus universelles que le simple domaine technique auquel les gens le rattachent.
Espérons que Léa perçoive cela. La suite de l’histoire dans la série de l’été.