Léa : au bonheur des dames

Après avoir déposé son CV dans différentes boutiques du centre commercial le plus proche, Léa a été contactée par une boutique de prêt à porter. Son apprentissage du monde de l’entreprise commencera en boutique. Enfin ‘boutique’, le terme est-il encore correct tant la taille de la zone d’exposition de ces magasins s’est accrue ? Certes, ce ne sont pas les Galeries Lafayette, mais au-delà de 2000 m2 pour une marque unique …

Pour son premier jour, Léa arrive en avance. L’organisation est efficace. Après avoir produit les pièces obligatoires et signé son contrat de travail, un badge lui est attribué afin d’accéder aux espaces réservés aux employés. Supervisée par une ancienne employée arrivée la semaine dernière, elle s’occupe de réaliser le réassort. Les deux jeunes femmes se retrouvent dans une pièce aveugle.

Des écrans installés dans l’antichambre affichent quantité d’informations. L’un d’eux identifie les nombreux rayons et les références des produits présents pour chacun. Si le rayon apparaît en orange ou rouge, Léa et sa collègue doivent récupérer les vêtements en arrière boutique et les déposer à l’endroit indiqué. Pour cela, un second écran indique où trouver  les références.

Bien sûr, tout produit qui transite doit être scanné afin de mettre à jour les informations connues du système. Ainsi, durant son premier jour, Léa achemine des vêtements dans la boutique, scanne des codes à barre, écrase des cartons et des sacs en plastiques avant de les déposer dans des conteneurs, replie des vêtements abandonnés par des clients, …

On est loin du poste de ‘vendeur polyvalent’ présenté par le responsable de magasin. Ce n’est pas aujourd’hui que Léa conseillera le client avant de l’encaisser sur un comptoir moderne. Ce rôle est dévolu aux vendeurs en magasins et ils sont suffisamment nombreux pour le chef.

Et c’est sans compter la période des soldes et les vacances scolaires qui amène un public nombreux dans le magasin. Les deux jeunes femmes multiplient les allers-retours, aidées parfois par les autres vendeuses. A l’exception du déjeuner chronométré, les pauses sont rares. Léa ne voit pas passer les 7 heures quotidiennes indiquées dans le contrat. 

La journée de travail se termine. Quittant son emploi, Léa se pose dans un bar du centre commercial avec sa collègue pour faire le point sur cette première journée. Le travail est physique et peu gratifiant. Sortir et mettre en place des vêtements toute la journée n’est pas agréable, mais cela paiera une partie de ses études. 

Ce qui est le plus pénible est le clignotement incessant des écrans de contrôle. Certes, ces outils sont efficaces et permettent de savoir où apporter les vêtements, mais pour l’aspect humain, on repassera. En soit, ce n’est qu’un travail d’un été. 

En discutant, elle apprend que le métier a beaucoup évolué. L’informatique a transformé le métier. Dans une petite boutique, les vendeuses interviennent à tous les postes. L’informatique apporte une autonomie à chaque employée puisque l’information (stocks, prix des articles, remises, …) est partagée.

Dans les grandes franchises, l’outil numérique cloisonne le travail. Ainsi, il est probable que Léa ne voit que le côté ‘polyvalent’ du poste de vendeuse. L’organisation est décidée dans des bureaux lointains et la moindre improvisation n’est pas permise. Pour Léa, les écrans agissent en surveillants, comme si le ‘Bonheur des dames’ s’était arrêté en 1984.

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