Café philosophie #15

Notre objectif était de connecter les gens. Permettre à chacun d’échanger sur ses passions, ses projets. Une technologie arrivait et nous étions formés pour la diffuser au plus grand nombre. L’accès à la culture et au monde ne serait plus réservé à une élite mais disponible à tout le monde pour un coût d’accès modeste. 

Bien sûr, ce changement était critiqué. “Ça ne marchera jamais!”, “À quoi bon discuter avec un australien si on est incapable de discuter avec son voisin ?”.  Internet était donc défini et exploité par des passionnés et des universitaires. Le mode de financement se basait sur un mécanisme capitaliste et équitable. 

Les services et usages se sont multipliés. Un nouveau public, moins connaisseur, a trouvé son intérêt dans ces possibilités. Ainsi a grandi le réseau. Involontairement, nous remettions en cause l’ordre établi par nos prédécesseurs. Ils se devaient donc de réagir pour orienter ces évolutions et conserver leurs positions. 

Les mêmes cassandres, qui prédisaient notre échec, se sont installés et ont proposé leurs services. Nous captions un public, ils se devaient d’en profiter. “Peut-on laisser un tel outil à des utopistes ?”. Internet est devenu un outil de consommation. Tout commerçant a sa vitrine sur le réseau des réseaux. 

Le partage de connaissance s’est transformé en commerce de biens. Tout s’achète, tout se vend et tout est trouvable sur Internet. La principale activité sur la toile est commerciale. Même notre opinion est en vente. Les publicitaires/influenceurs nous bombardent d’offres et d’idéologies pour notre bonheur

On pourrait penser que nos ambitions ont disparu. L’objectif de relier le monde est atteint même si certains grands acteurs institutionnels recréent parfois des barrières pour “protéger” leurs administrés ou leurs clients. Et les consommateurs ne cherchent pas à aller au-delà du service. 

C’est réduire l’utilisation d’Internet. Derrière un support commun, c’est en réalité des réseaux différents qui se sont créés. En parallèle des services plébiscités, se sont créés des services de partages : petites annonces, événements locaux, services de proximité, … Internet nous met en contact pour des besoins locaux, du quotidien. 

Les critiques sont toujours prêts à dénoncer des outils qu’ils jugent au rabais. Eux n’aiment pas partager. Cela ne leur est pas profitable. Alors ils insistent “Pouvez-vous faire confiance en un téléphone de seconde main ?”, “Et si le covoitureur ne venait pas ?”. Ils utilisent le doute comme une arme. 

S’ils pouvaient, ils mettraient le monde sous leur coupe. Les affaires seraient ainsi plus facile. Un type de consommateur unique quel que soit son emplacement dans le monde. Un réseau pour les contrôler tous en chaque instant. Et eux pour décider. Mais ils ne comprennent pas leur environnement … notre monde.

Alors nous continuons à maintenir le réseau, à proposer de nouveaux usages. Eux, cherchent toujours à s’accaparer de cette audience. Et ainsi va le monde. Mais ce monde ne me plaît pas. Alors que le choix est immense, tels des papillons de nuit, l’audience préfère la foule et la lumière froide mais intense.

Pourquoi choisir un logiciel libre et performant quand la publicité vous a mis en tête son équivalent populaire et pollué d’annonces ? Pourquoi s’enquérir d’un fait divers proche de nous quand la doxa nous demande de regarder ailleurs ? Pourquoi acheter local quand il y a moins cher avec des paillettes à l’autre bout du monde ?

C’est lorsque les gens sont dans la difficulté qu’ils commencent à réfléchir à leur condition et aux alternatives. Et le contact avec les autres, en direct ou à travers Internet, est la réponse que nous apportons. Il est dommage de ne pas s’y intéresser avant les crises.

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