Mehdi est content. Mehdi frappe sur son bureau comme un possédé sous les applaudissements de ses collègues. Mehdi vient-il de réaliser l’affaire du siècle ? A-t-il trouvé un vaccin contre le sida ? Non, Mehdi vient de placer un consultant de son entreprise de développement informatique chez un client pour 6 mois.
Demain, Olivier devra se rendre à l’hôtel de ville de Paris pour une mission qu’il ne connaît pas. Avec son expérience dans le domaine du développement informatique, quelques missions sur des environnements de production et une validation de ses acquis grâce à une formation DevOps, Olivier espère une mission intéressante.
Mehdi est le responsable commercial d’Olivier. Il sait que ce dernier a terminé sa mission la semaine dernière. Alors il lui a trouvé une autre mission. L’informaticien faisait valoir ses envies de travailler en tant que consultant DevOps. Le commercial a donc proposé un poste de consultant DevOps à ses clients.
Demain, Olivier rejoindra 2 de ses collègues dans des bureaux de la mairie afin de participer à l’informatisation des services municipaux. En tant que DevOps, il réalisera soit du développement, soit de l’opérationnel. C’est très loin de ce qu’il attend de la fonction d’un consultant DevOps.
Olivier rejoindra Kévin, Expert Junior Web (oxymore) en poste depuis 3 semaines chez le client, Marco, développeur sénior (vétéran) en place depuis 5 ans et Jean-Luc le scrum master de l’équipe. La fine équipe est sous la tutelle de Mehdi même si les visites du commercial sont rares. Une fois par an au mieux, et encore il parle surtout au client.
Loin de ses attentes, lors de cette mission de consultant, Olivier ne sera jamais consulté. Il corrigera les programmes afin de clôturer les tickets urgents (du Dev). Et il étudiera les nombreuses anomalies liées à des déploiements mal réalisés par les équipes de Production (de l’Ops). On est loin de l’activité d’un consultant DevOps.
Mais Mehdi, en bon commercial, fera passer la pilule en promettant une promotion ou une future augmentation et une meilleure mission à venir. Juré. Les promesses n’engagent que ceux qui les croient. Olivier le sait très bien. Les ESN sont un moyen de se faire de l’expérience. Il peut toujours démissionner pour trouver mieux ailleurs lui a dit Mehdi.
D’ailleurs, avant, on parlait de SSII (Sociétés de Services en Ingénierie Informatique). Mais les salariés déçus de leurs missions et les clients mécontents du service rendu ont commencé à trouver des alternatives. Magie du marketing, les entreprises se sont renommées ESN (Entreprises de Services du Numérique).
Ce sont les mêmes commerciaux, les mêmes patrons qui gouvernent ces entreprises, mais promis, les pratiques ont changées. Désormais, ils sont à l’écoute de leurs clients et de leurs collaborateurs. D’ailleurs, un babyfoot a été installé dans les bureaux. En pratique, rien ne change et la réputation de marchands de viande persiste.
Pourtant les alternatives existent. L’informatique est une activité de toute entreprise. Pourquoi déléguer cette tâche lorsque le besoin ne s’est jamais tari en 40 ans dans les entreprises de taille moyenne ou grande ? Un collaborateur bien suivi par la fonction RH sera toujours bien moins cher et plus efficace qu’un prestataire embauché depuis 15 ans.
Pour les jeunes sortis d’école qui pensent apprendre le métier grâce aux missions d’une ESN, d’expérience je peux affirmer que cela est rare. Le transfert de compétence y est toujours très incomplet lorsqu’il a lieu. Vous aurez plus d’apprentissage en réalisant des projets personnels.
Reste le problème de l’introversion des informaticiens. Le commercial pallie à cette faille dans la fiche du personnage. Mais si c’est votre faiblesse, trouvez des activités qui vous permettront de la combler au lieu de rester dans votre garage. Ainsi, vous ne dépendrez plus du commercial et de son humour de beauf.
Camarade informaticien, sors de ta zone de confort et deviens acteur de ta carrière au lieu de subir la médiocrité de ces profiteurs. Que le loup de la Défense devienne une espèce en voie de disparition.