Café philosophie #16

“Une formation scientifique permet d’être un bon informaticien.” C’est ce que je pensais avant de passer mon baccalauréat. En lisant les brochures des sites d’orientation, cette affirmation semble toujours d’actualité. Des domaines comme les Mathématiques, la Physique-Chimie ou les Sciences de l’Ingénieur sont présentés comme des passerelles vers le métier d’informaticien. 

Mais si vous me lisez, vous savez que le domaine ne se limite pas qu’à une activité. “Informaticien, vaste programme”. Le premier des métiers auquel on pense de ce terme est celui de développeur. Il s’agit d’écrire un programme dans un langage compréhensible par l’ordinateur. Il s’agit ici d’un travail de traducteur dont les Cassandres annonce la disparition depuis des décennies. 

Vous me direz, la traduction est réalisée suivant des méthodes précises qui ne doivent souffrir d’aucune ambiguïté. Un programme se doit d’être précis et respecter l’algorithme. Le langage utilisé ne doit souffrir d’aucune erreur sous peine de voir l’infamant message ‘syntax error’ s’afficher et renvoyer le travailleur à son œuvre. J’ai vu bien des erreurs dans le travail de collègues. Exactitude, dites-vous ?

Le langage que manipule le développeur est certes précis, mais il en est de même pour son collègue polyglotte. Il est d’ailleurs souvent plus simple, avec un nombre de verbes et de commandes limités, là où une langue moderne compte des milliers de mots et nombreuses règles d’accord. Le résultat dépend de l’habileté du traducteur.

Un autre métier littéraire en informatique est celui d’analyste. Comprendre le métier de son client, reformuler son besoin pour parcourir l’intégralité de ce dernier, échanger pour faire émerger des concepts clairs et efficaces … faire germer les idées ne demande pas que des compétences techniques. La maïeutique nécessite de comprendre les possibilités de l’outil et d’écouter les utilisateurs. 

Et que penser des “web designers” ? Un langage comme le CSS3, utilisé pour concevoir l’apparence des sites sur Internet ressemble à la palette et aux pinceaux  du peintre. Savoir manipuler les formes, les concepts, les couleurs est une compétence d’artiste. La sensibilité de l’exécuteur peut changer totalement la perception de l’outil final.

À ceux qui pensent que les sciences sont utiles pour être un bon informaticien, combien de fois avez-vous utilisé les fonctions trigonométriques depuis que vous créez des programmes ? Les transformées de Laplace et de Fourier vous servent-elles ? À moins de travailler dans des domaines scientifiques, il est peu probable que ces notions vous servent.

Il existe bien sûr des domaines de l’informatique où la rigueur scientifique est obligatoire. Sans maîtrise de la physique, l’interaction entre humains et machines est impossible. Qui voudrait que le détecteur de recul de sa voiture soit conçu par un poète ? De même, pour concevoir l’équipement embarqué d’un avion, il faut avoir conscience des contraintes physiques et des limites des capteurs utilisés.

De même, calculer les ressources nécessaires au fonctionnement d’un service numérique et le mettre en place est un domaine qui laisse place à peu d’imagination. Les procédures s’enchaînent avec recul et précision. Mais ces compétences dépendent-elles de notre domaine d’étude initial ? Un écrivain ne pourrait-il apprendre ces nomenclatures si cela devait servir son récit ? 

Nous choisissons notre voie en fonction de nos attentes dans l’avenir. Ce sont nos croyances qui nous ferment les portes. Amis artistes, voyaient en l’informatique un outil de création et d’expression. Vous avez les compétences pour participer à l’aventure. Ne croyez pas ceux qui vous renvoient à vos études. 

PS :

Si vous pensez que la justesse n’existe que dans les sciences ‘dures’, vous ne lisez pas assez.

PPS :

L’informaticien et le littéraire ont la capacité de décrire le monde. Seul l’outil de prédilection change.

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