Pas de ticket, pas de problème

Régis a eu une promotion. La réécriture de son ancien projet n’a pas été de tout repos. Le prestataire cadrant systématiquement les demandes, notre chef de projet ne pouvait se contenter de réponses approximatives comme avec son ancienne équipe. Alors lorsque le poste de responsable du service support logiciel (SSL) s’est libéré, il a postulé immédiatement. 

Régis connaît bien ce service puisque de nombreux tickets (demandes d’assistance) ouverts sur son ancien projet passaient par ce service. Sa bonne relation avec l’ancien responsable l’a favorisé au départ à la retraite de ce dernier. Son objectif est clair, toute demande d’un utilisateur doit être traitée au plus tôt. Le portefeuille d’anomalies doit être vidé.

Et pour parvenir à ces fins, Régis communique des instructions précises à son équipe lors de son investiture dans le service : toute demande doit faire l’objet d’un traitement en moins de 4h par son service. Les anciens tickets seront purgés en parallèle. En fin de journée, le chef attend un bilan d’activité de son équipe. Il vérifiera lui-même l’état des corbeilles d’anomalies.

Les premiers jours s’avèrent difficiles pour les employés du SSL. Comment répondre au mieux aux sollicitations des utilisateurs et dans les temps attendus ? Avant, ils avaient le temps d’interroger le demandeur afin de détailler l’incident et de le faire remonter à l’équipe de projet concernée. Mais avec les attentes du chef cela semble irréaliste.. 

Alors les pauses se font plus courtes dans le service pour répondre aux attentes. Les échanges entre collègues sont limités. Mais le stock d’incident à traiter ne diminue pas. Et au bout de 15 jours, lors du point d’équipe, le chef pousse sa gueulante. “Comment se fait-il que le stock ne diminue pas. Moi-même, je traite plus d’incidents que vous alors que j’ai d’autres activités en parallèle”.

Devant le flot ininterrompu de reproches, les employés du service SSL n’osent pas répondre. Ils encaissent la mauvaise humeur de leur brillant leader en attendant que ce dernier retourne dans sa cage de verre. S’il pouvait leur expliquer sa méthode, peut-être seraient-ils plus productifs ? Le sermon  terminé, chacun retourne à son poste. 

En fin de journée, à la sortie du bâtiment les employés discutent sur le comportement de leur nouveau responsable. L’un d’eux apporte une théorie sur la productivité impressionnante de leur nouveau chef : 

  • Il traite surtout les incidents de son précédent projet.
  • Ses réponses consistent à renvoyer l’incident vers l’équipe chargée de la maintenance applicative avec pour explication ‘au projet pour étude’. 

Avec cette méthode, il n’est pas étonnant qu’il réponde à autant de demandes. Pour autant, les problèmes persistent même s’ils ne sont plus dans leur service. 

Au fil des semaines, le stock d’incident diminue. Certains employés du service ont décidé d’appliquer la méthode du chef : faire suivre l’incident à un autre service. Régis se félicite des bons résultats de son service. Il semble cependant que certains récalcitrants manquent encore d’efficacité. Il décide donc de les convoquer individuellement. 

Régis tient ainsi un discours lunaire. “Si au lieu de surveiller mes tickets vous travailliez efficacement, vous rattraperiez vos camarades.”. Surpris, l’employé hésite à répondre. Qui a rapporté sa remarque de fin de journée au chef ? A quoi sert-il de renvoyer des incidents alors qu’un peu de recherche peut débloquer la situation ? Pourquoi privilégier l’individualisme au lieu du partage de connaissance ?

Afin de se montrer constructif, il se lance sur le dernier sujet moins risqué. Les retours sur son nouveau chef colérique n’invitent pas à la polémique. Régis accepte cette remarque, mais lui signifie que pour dégager du temps sur ce type de solution, il faut du temps, donc traiter les incidents plus rapidement et ne plus en avoir en stock. 

L’ambiance change dans le bureau. De nouveaux paravents ont été installés afin d’isoler les collaborateurs lorsque ceux-ci sont en relation avec les utilisateurs. Et un jour, Régis convie ses collaborateurs pour une grande annonce. La Direction a accepté son idée d’outil d’aide au diagnostic : la fusion des bases de connaissances et l’utilisation d’une intelligence conversationnelle pour les parcourir. 

Ainsi, chaque membre du service aura accès au même niveau de connaissance et les utilisateurs auront une interface qui évitera la création de tickets inutiles. Les employés applaudissent mais des visages se crispent. En plus de désorganiser et d’affaiblir la réputation du service, Régis volent les projets de ses subalternes. 

Régis n’est pas qu’un con. Il est pire. Cynique, égocentrique, manipulateur. Tout est bon pour se mettre en avant. Il se moque de savoir que ses collègues et les utilisateurs se retrouvent dans des situations difficiles à cause de son comportement égoïste. La Direction ne voit que des indicateurs positifs et des projets portés vers l’avenir … et c’est bon pour son avancement.

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