15 mois qu’Olivier travaille dans les sous-sols de l’hôtel de ville de Paris. Medhi est content. Il faut dire que les chantiers s’enchaînent avec le démarrage prochain des jeux olympiques. Alors, l’expert DevOps voit son contrat renouvelé. Et à défaut d’autres missions plus intéressantes, notre héros est au cœur de la fête annoncée.
Positionné comme Dev, il enchaîne les mises à jour du site de la mairie et applications de suivi des différents projets municipaux. La mise en application de ses productions, Olivier ne le voit pas. Tout au plus, il recevra un ticket lui demandant de prendre en compte les nouveaux besoins.
Il faut dire que l’activité ne s’arrête jamais. Chaque décision de Madame le maire a son lot de conséquences sur le système d’information. Sur les 800 applications officielles, combien d’impacts ? Le milliers de collaborateurs municipaux spécialisés, répartis dans des directions informatiques et assimilées, se penchent sur ces questions.
Ensuite, avec ses collègues Kévin, Marco et Jean-Luc, Olivier réalise les demandes. Les mises à jour s’enchaînent suivant les demandes plus ou moins détaillées. Au besoin, un coup de fil au responsable de la demande et les informations manquantes sont récupérées. Certains interlocuteurs peuvent se montrer difficiles.
Prenons le cas d’Alain. Détaché de la DSIN à la DLH (je ne détaillerai pas les acronymes), l’assistant maîtrise d’ouvrage (AMOA) aide ses collègues à formaliser leurs besoins dans le suivi des acquisitions immobilières et des locataires … en principe. En pratique, cet expert est rarement à son bureau.
Olivier peut bien l’appeler mais, cela n’est pas efficace. La mise en place des outils collaboratifs n’aident pas non plus à contacter l’AMOA. Il n’aime pas ces outils modernes et désincarnés. Non, la meilleure méthode pour obtenir les renseignements sur la prochaine évolution est de se déplacer dans les locaux de l’expert.
L’aile de la DLH est immense. Il faut donc frapper à de nombreuses portes. Alain n’est pas à sa place, ni dans le bureau de son chef pour échanger sur les prochains chantiers. Il n’est pas non plus au secrétariat pour réaliser une demande de remboursement. À la cafétéria, un collègue indique qu’il vient de remonter à son bureau, qui l’eut crû.
Après plusieurs allers-retours, Olivier tombe enfin sur l’expert. Confortablement assis derrière son écran, Alain se renseigne sur les équipements de l’épreuve de surf pour les JO. Olivier l’interroge sur sa demande au service informatique. Quelles données veut-il ajouter pour l’application de la DLH ? Quelles règles sont à prendre en compte ? …
L’expert bredouille une réponse incompréhensible, ce qui oblige notre héros à le faire répéter. L’information semble contradictoire. Olivier lui demande donc de lui montrer le compte rendu de la réunion où la décision a été prise. Un RACI a bien dû être réalisé ? Alain promet de lui transmettre le document
Connaissant la réputation de l’individu, le développeur craint que le courriel n’arrive jamais. Il demande donc s’il est possible de rechercher maintenant les informations. Après une fouille minutieuse de la messagerie de l’expert, un compte-rendu est trouvé. Et les informations présentes sont en décalage avec la demande.
De retour dans son service, Olivier partage les informations. Le besoin est loin d’être trivial. S’il n’avait pas couru après l’expert, il est possible qu’à la livraison de l’évolution, les remarques sur les erreurs des informaticiens auraient été nombreuses. Alain est un spécialiste de l’esquive en cas de coup dur.
D’ailleurs, Radio moquette lui a trouvé un surnom. Le rentier. On appelle ainsi tout agent qui passe son temps à éviter le travail plutôt que de le faire. À ce jeu, il est très fort … et il est loin d’être le seul dans la noble institution.
Devenir rentier n’est pas une chose facile. Il faut bien s’entendre avec les supérieurs. Passer du temps avec eux, leur rendre de petits services … non liés au travail. Il faut aussi se plaindre de la surcharge constante de travail pour transférer ses activités aux autres. Relation sociale et esquive sont ses principales qualités.
Une stratégie de rentier expérimenté est de se plaindre de ne pas comprendre les évolutions technologiques pour trouver une position de consultant. Le comble pour un expert en informatique, mais le rentier ne doute de rien. C’est à çà qu’on le reconnaît. C’est un profil toxique qui fait perdre du temps.