Café philosophie #19

“L’homme est naturellement bon, c’est la société qui le corrompt.”. Cette évidence déclamée par Jean-Jacques Rousseau est aussi absurde que l’idée inverse. Pourtant, la civilisation moderne propagée par le réseau des réseaux, Internet, semble donner du crédit à la conclusion du philosophe. 

Grâce au réseau Starlink créé par Elon Musk Internet est accessible n’importe où dans le monde. Une antenne cherche un satellite dans le ciel. Dès l’accroche réalisée, depuis le point Nemo ou au fin fond de l’Amazonie, l’accès à l’information devient possible. Et c’est en Amazonie que le constat est le plus marquant.

“L’homme est naturellement bon, c’est Internet qui le corrompt”. C’est ce qu’aurait déclaré Sandrine Rousseau sur Twitter. Je plaisante. Mais le chef de la tribu des Marubo se désole de son idée d’amener le fleuron de la civilisation dans ses villages. La promesse d’un progrès social n’a pas été tenue.

Au lieu de s’instruire et de s’ouvrir à ce vaste monde, les indigènes reprennent les pires comportements de nos civilisations. Addiction aux jeux vidéos, visionnage sans fin continu de contenu stupide, remarques agressives, accès à la pornographie, reproduction des comportements déviants, …. 

Rousseau aurait-il raison ? L’homme, naturellement bon, serait-il perverti par la société ? Résumer son oeuvre à une phrase serait stupide. La démonstration tient au fait que l’homme primaire vit en harmonie avec son environnement suivant des besoins simples. C’est la concurrence avec l’autre qui le pervertit. 

Le philosophe a conscience des limites de sa démonstration. Il est conscient des dangers de vivre seul face à la nature. Il défend l’importance de l’éducation pour appréhender la société moderne. Celle-ci devient une opportunité bénéfique lorsque ces codes sont intégrés. C’est l’apprentissage des domaines communs qui nous permet de progresser.

Laisser un enfant seul devant un écran … c’est comme donner les clés d’un 4×4 garé en ville à quelqu’un qui n’a jamais appris à conduire. Sans explication, sans repère, sans habitude, les possibilités sont nombreuses mais rarement heureuses. 

On apprend à conduire parce que l’on voit les autres conduire et qu’on en comprend l’avantage. Mais avant de nous laisser les clés, la société s’assure que pour accéder à ce droit, nous en appliquons les devoirs : sens de circulation, respect des priorités et des limites de vitesse, …

Il devrait en être de même pour Internet. Dans le meilleur des mondes, les parents apprennent aux enfants les usages sur cet espace commun. Si le contenu est virtuel, l’échange avec celui en face est réel. Le respect devrait être de mise. Tout au plus, le silence doit répondre aux trolls

Internet donne des bases sur de nombreux autres domaines. Il nous laisse libre de les choisir et de réaliser le passage du virtuel au réel. Mais sans référent dans la vie réelle, le risque de partir vers un domaine dangereux pour nous est important. De plus, seuls derrière les écrans, nous percevons mal les conséquences de nos actions. 

Le chef Marubo a limité l’usage d’Internet à quelques heures par jour pour que son peuple revienne au réel. On parlerait de censure inacceptable si notre chef faisait de même. Une réflexion commune amènera à de meilleurs usages. Mais cela prendra du temps … pour leur société et pour la nôtre.  

“L’homme est naturellement bon.”. Rousseau a raison, dans la majorité des cas. Ce n’est pas son environnement qui le pervertit. Ce sont la minorité d’hommes mauvais qui profitent de l’anonymat qu’apporte nos sociétés pour prospérer. Et c’est une société stable et bienveillante qui permet de revenir dans un cadre accepté par tous. 

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