Nous ne nous en rendons plus compte aujourd’hui, mais pour répondre à nos besoins, les ordinateurs effectuent des milliards de calculs chaque seconde. Si nous revenons dans le passé, 40 ans en arrière, ceux-ci ne réalisaient que quelques centaines de milliers d’opérations par seconde.
Le microprocesseur (µp) à la mode, l’Intel 8088, ne se composait que de 29 000 transistors, contre plusieurs dizaines de milliards pour les processeurs actuels. Et encore, ce dernier était une avancée par rapport aux µp 8 bits conçus dans les années 70 et qui alimentaient le marché d’entrée de gamme.
Les entrées limitées au clavier, une unité de calcul 8 bits qui doit gérer aussi la sortie audio et vidéo, un langage de développement basique … Des développeurs passionnés étaient près à repousser les limites de ces machines et créer l’informatique moderne.
La machine décrite ressemble au ZX81, un proto-ordinateur qui avait l’avantage de ne coûter que 985 francs à l’époque (425 € d’aujourd’hui, presque une PS5). Déjà, les génies arrivaient à réaliser des jeux et des animations impressionnants. Tapez ‘ZX81 demo’ sur votre moteur de recherche et vous me direz …
“C’est tout !”. Là où vous ne voyez que des dessins en très faible résolution et des musiques cheap tunes, il y a toute une démarche artistique. Un cadre, un pinceau virtuel, des techniques, des essais, … et une volonté de repousser les limites de la plateforme.
En montant en gamme, les fabricants ajoutent des coprocesseurs pour délester le µp des traitements de l’image et du son. Les cassettes en tant que périphériques d’entrée et de sorties évitent au développeur de saisir son programme à chaque utilisation. Cela à un coût, mais cela apporte un confort.
L’architecture ouverte ne s’applique qu’aux PC et compatibles. Pour les autres micro-ordinateurs de l’époque, la maîtrise d’une configuration nécessite un investissement important. Le loisir est chronophage et coûteux. Lorsqu’on choisit le produit d’un constructeur, c’est un engagement fort … un sacerdoce.
Je ne vais pas faire la description de toutes les configurations de µp 8 bits de l’époque. Vous trouverez sur Internet les fiches des ZX Spectrum, Oric Atmos, Commodore 64, Amstrad CPC, … Derrière ces configurations, de nombreux logiciels vont voir le jour : éditeurs de texte, bases de données, statistiques, logiciels de dessin et de musique, …
En 40 ans, nos besoins ont peu évolué. La puissance supplémentaire a permis un saut qualitatif. Ce progrès n’est qu’apparent. Lorsqu’on développe un logiciel sur quelques kilo octets, on s’étonne des programmes modernes qui, pour un même besoin, nécessitent plusieurs Mo.
Un µp des milliards de fois plus performant répond à peine plus vite au besoin de l’utilisateur que les µp de l’époque. La levée des contraintes techniques a surtout permis de faire rentrer plus de monde dans le domaine informatique en se détachant toujours plus de la technique. En parallèle, les architectures de nos ordinateurs se sont complexifiées.
Là où un développeur pouvait réaliser un logiciel, il faut aujourd’hui des équipes de centaines de personnes pour répondre au même besoin. Les ingénieurs modernes ne sont pas moins intelligents que les passionnés de l’époque. La multiplication des langages, des logiciels, des cadres de travail, des matériels, … nécessite la spécialisation.
Et puis, devant de nouveaux enjeux financiers, des rôles parasites inutiles intermédiaires se sont ajoutés. Des chefs de projets, des concepteurs métier, des testeurs, … tous ces rôles qui ne touchent pas au code mais se revendiquent informaticiens. La déconnexion a ses conséquences.
Au lieu de programmer comme si les ressources étaient illimitées, réfléchir dans un monde fini, se remettre en question, cela permet de trouver des réponses simples à des besoins en réalité simples. Cette contrainte, connue à l’époque, nécessitait beaucoup de réflexion. Un bon programmeur réfléchi. Son ordinateur reproduit le programme.
Petit à petit, l’informatique est entrée dans la vie des gens. Les contraintes de l’époque sont devenues des standards artistiques : pixel art, musique techno, … Réfléchir à son histoire, se connecter à son environnement, c’est toujours un gain. Qui va piano va sano.