Samedi matin, 6h30, Commissariat de Dijon
L’histoire se répète. Un café servi trop chaud. L’inspecteur qui m’interroge sur mes activités nocturnes. La pièce froide, “restriction budgétaire, pas de chauffage pour l’instant.”. L’éclairage mal réparti dans la pièce. Je ne comprenais pas. J’ai pourtant écouté les conseils des jeunes. J’ai changé mes habitudes pour sortir des algorithmes des policiers.
Alors, lorsque j’ai été relâché pour bonne conduite, je me suis trouvé un petit boulot. Gégé m’a appris le métier de serrurier. Mais ma conscience me travaillait. Pas au plan technique. Débloquer une porte qui a claqué, avec une radiographie, c’est facile. Prendre 150 € pour 5 minutes de travail ? C’est du vol ! Mais c’est légal !
Le métier me convenait bien. Et puis, je m’étais remis au sport. Chaque matin, en attendant les appels des clients, je faisais mon jogging. Les jeunes appellent ça le running. On va dire course à pied. Je m’étais même acheté une montre connectée pour suivre mes parcours. Je pouvais comparer mes performances avec les autres coureurs de la ville.
Vous le savez inspecteur. Les mauvaises habitudes ont la vie dure. Chaque fois que je passais dans le quartier des bourges, j’observais les villas. Cela n’arrêtait pas mes sessions mais l’idée restait dans ma tête. Sur mon parcours, je visualisais les baraques à visiter et les planques potentielles.
Lors de mes deux derniers séjours en prison, les gamins m’avaient beaucoup appris sur les nouvelles technologies et les erreurs à ne pas commettre. Pas de voiture, éviter les habitudes, … Et avec mon entraînement, j’avais même semé vos collègues. Vous devriez les faire courir plus souvent.
Alors vous voir débarquer ce matin chez moi avec le butin de ma sortie nocturne, Inspecteur, expliquez-moi comment vous faites ? Et pourquoi vous avez la même montre que moi ? Vous aussi vous vous êtes remis au jogging pour pouvoir me rattraper ?
Centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand, quelques semaines plus tard
Ma cellule n’a pas changé. Mon colocataire l’avait un peu personnalisé. Trop de néons et un panneau “There is no place like 127.0.0.1”. Il n’y a pas de meilleure place que chez soi, m’a-t-il expliqué. Ok, gamin pour garder l’affiche, par contre, je lui ai fait dégager son bazar multicolore. On n’est pas à une convention de tuning ici.
Je l’avais mauvaise de retourner entre 4 murs. Mais comme le coloc semblait s’y connaître en informatique, je l’ai questionné sur mon affaire. Sa première réponse sur l’usage de moyens électroniques pour pister les gens ne m’a pas convaincu.
Mon avocat avait exploré cette piste devant le juge pour décrédibiliser l’enquête. Mais les policiers n’ont pas utilisé d’équipement de traçage à mon insu pour me pister. Ce serait une offense à ma liberté, avait précisé le juge. Et l’Inspecteur avait confirmé cela. Je lui fais confiance, il est réglo.
Alors la gamin a pensé à une autre chose, ma récente passion pour la course à pied. J’ai une application pour enregistrer mes parcours lors de mes sorties diurnes. J’aimais comparer mes temps avec ceux d’autres coureurs. Mais je ne m’en servais jamais lors de mes sessions nocturnes.
Le gamin m’a expliqué que les applications de partages de parcours étaient très utilisées par les journalistes, les paparazzi et les détectives privés pour suivre les célébrités et autres personnalités. Il arrive même que l’on détecte des bases militaires secrètes à cause d’un champion qui partage ses sessions.
Moi aussi, je partageais mes parcours. L’Inspecteur n’a pas eu de difficultés à trouver les lieux qui attiraient mon attention. D’une certaine manière, il pense comme moi. Il a fait le lien entre les villas visitées et mes promenades. Il n’a pas eu de mal à trouver mes planques pour faire sécher le matériel.
Il paraît que j’ai le record de vitesse sur le parcours de la Colombière ? Pourtant ce record est attribué au compte ‘Inspecteur gadget’ dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre. Cette nuit-là, j’ai semé l’inspecteur sur le parcours. Il me l’a fait payé en retraçant toutes mes courses.
En prison, je vais avoir du mal à faire mes 10 000 pas. Et je vais laisser le record du tour de la cour de la prison à d’autres.