L’esclave numérique

Jean-Marc Jancovici a théorisé que la puissance d’un pays est corrélée à sa consommation énergétique. Les biens et services dont nous profitons quotidiennement (les déplacements, la nourriture, les services domestiques, …) sont consommateurs d’énergie. Celle-ci est issue de centrales électriques, du pétrole, …

Sans cela, pour obtenir les mêmes services, nous devrions avoir recours à une main d’œuvre peu chère et corvéable à merci. Le train de vie d’un roi nécessitait des dizaines de servants. Et cela n’empêchait pas d’avoir une qualité de vie bien inférieure au français moyen d’aujourd’hui. Afin d’évaluer la richesse, Jancovici parle d’esclaves énergétiques

De nos jours, le coursier ou le télégraphe de Chappe sont inutiles pour transporter l’information. Une onde électromagnétique suffit. Adieu carrosses et chevaux et toute la logistique autour. Place aux voitures. Un tracteur remplace largement des dizaines de paysans avec leur faux. 

La technologie et l’énergie remplacent les emplois manuels. Les esclaves énergétiques maintenus par quelques personnes font le travail de milliers. Leurs travaux sont répartis entre habitants des pays qui exploitent ces énergies. Un français moyen exploite sans le savoir des dizaines d’esclaves énergétiques.

S’il se pose des questions de ressources de la Terre autour de l’exploitation de l’énergie, cette notion permet d’évaluer partiellement la richesse d’un pays. Les temps changent. Et une nouvelle version des esclaves énergétiques arrive. Eux, ne remplacent pas les travailleurs sur des missions physiques et manuelles. 

Eux, ce sont les esclaves numériques. On parle d’agents conversationnels, d’intelligences artificielles, … ces applications qui créent de l’information pertinente. Contrairement à leurs homologues énergétiques, ils remplacent des métiers intellectuels : avocats, graphistes, diagnosticiens, …

L’esclave numérique a accès à tous les savoirs possibles. À partir de cette connaissance, il sait appliquer n’importe quelle procédure intellectuelle. Il est donc performant pour des tâches sans imagination. Rapprocher une situation d’une procédure juridique et en lister les articles de lois afférents, repérer une fracture sur une radio, …

Dans l’art, il peut établir toutes les musiques du monde en fonction de logiques musicales. Il peut aussi redessiner une image en utilisant les techniques de telles ou telles écoles d’art. L’esclave numérique prend la place de ceux qui ont passé des années à perfectionner leurs connaissances.  

Ainsi, ce nouveau protagoniste offre ses services à ceux qui ont des besoins de conseils ou des idées à développer pour un prix inférieur à un café par jour. Impossible de faire mieux. On peut aisément imaginer que ses talents désengorgent hôpitaux et tribunaux en apportant des réponses pertinentes aux plus précaires.  

L’esclave numérique pourrait être vu comme une évolution de son homologue énergétique. Mais plus le temps et plus les besoins en énergie nécessaires diminuent pour arriver au même résultat. Difficile alors d’établir un standard physique sur ses apports à la société. 

Comme son équivalent énergétique, l’esclave numérique fera la richesse des pays qui sauront l’intégrer au mieux. Comme son homologue, il subira les polémiques sur le désordre qu’il entraînera par son existence. L’esclave numérique est une réalité accessible à tous. Apprenons à l’utiliser pour notre bien.

Partager l'article !!

J’ai de la chance !!!