Le quatrième sceau

Avec les téléviseurs 4K et les écrans Retina, l’œil humain ne peut plus distinguer les pixels sur un écran. Il en est de même pour les capteurs photos. Cela fait presque 10 ans que l’on trouve des téléphones avec des capteurs de plus de 40 Mpx. C’en est à ce point que le seul argument pour avoir des capteurs plus précis est de pouvoir lire le journal à 100 mètres.  

Nous voyons donc mal comment justifier une telle débauche de d’évolutions technologiques même si certains beaufs exhibent fièrement le téléphone avec 200 Mpx ou le dernier écran 8K à 240 images par seconde.    

L’image a donc été le premier domaine au XXIème siècle à tomber face à l’avancée technologique. Il y aura des progrès dans ces domaines, mais ils ne nous apporteront presque rien de plus que ce que nous avons actuellement.

À part pour les audiophiles, le son a eu son compte au XXème siècle. 

Depuis peu, Internet vient d’atteindre cet état. Il faudra encore une dizaine d’années pour que la technologie se généralise, mais la légende selon laquelle le réseau des réseaux consommera en 2030 plus d’énergie que les transports s’éloigne de plus en plus, n’en déplaise à nos chers sénateurs. 

En effet, des chercheurs danois ont fait circuler 1,84 Pbit/s sur un câble optique de 7,9 km de long. Cette information nécessite quelques explications. D’abord, c’est quoi un ’Pbit/s’. Cela se lit ‘Péta bit par seconde’. Un Péta c’est 10^15 soit 1 million de milliards, un ‘1’ suivi de 15 ‘0’. Donc 1Pbit/s c’est 1 million de milliards de bit par seconde.

Un bit c’est l’unité la plus simple en informatique. Un bit a 2 valeurs : ‘0’ ou ‘1’. Quand vous regardez une vidéo en haute définition, vous avez besoin de 4 millions de bits par seconde (4 Mbit/s). 1,84 Pbit/s représente donc 460 millions de vidéos regardées en temps réel … sur un seul câble. On est loin du télégraphe.

Ce chiffre est aussi intéressant parce qu’il est supérieur au débit utilisé sur tout l’Internet actuellement (inférieur à 1 Pbit/s). Les échanges de la planète tiennent désormais sur un seul câble.

Parlons du câble. Celui-ci est identique à celui qui arrive dans l’armoire téléphonique en bas de chez vous. Il est constitué d’un faisceau de fibre optique. Dans l’expérience danoise, il compte 37 fibre optique. Ensuite, chaque fibre arrive chez à l’abonné à Internet. Pour avoir le débit qui passe sur une fibre, il faut donc diviser par 37 : 49 730 Gbit/s. 

Quand on pense que nos fournisseurs à Internet (FAI) ne nous proposent au mieux qu’un seul Gbit/s avec notre abonnement à Internet (10 Gbit/s pour les plus généreux). Il faut dire qu’en pratique nous ne saturerons jamais 10 Gbit/s. alors en avoir 5 000 fois ne présente pas d’intérêt … à l’échelle d’un consommateur. 

A l’échelle d’une ville, cela change tout. Avec cette technologie, les tranchées à creuser pour relier les villes ou les pays entre eux sont bien plus fines. La maintenance des infrastructures est allégée quand le mètre de câble pèse quelques centaines de grammes. 

Une autre question est comment ces chercheurs ont fait pour passer autant d’informations sur une seule fibre. Une partie de la réponse se trouve dans les réseaux classiques. L’information est transmise sur un signal porteur. Pour cela on lui ajoute un autre signal modulé en phase, en amplitude et en fréquence. Le signal est une onde électromagnétique. 

La lumière aussi est une onde électromagnétique. Et donc toutes les optimisations connues sont applicables. Le travail de nombreuses équipes de recherche était de créer des composants qui permettent de réaliser cela. 

Ainsi, la porteuse est une lumière dans le spectre de l’infrarouge (les bandes C et L entre 1530 nm et 1625 nm). D’ailleurs pourquoi utiliser une longueur d’onde quand on peut en cumuler 223 ? Ainsi, dans une fibre, ce sont 223 signaux lumineux différents qui circuleront et seront séparés à l’arrivée. 

La porteuse est modulée en fonction de l’information à transmettre. Ce sont les phases et les amplitudes qui sont modifiées suivant des modèles standards dits 64 QAM et 256 QAM. Autrement dit, une ondulation porte 64 ou 256 bits. Il faut ensuite le traduire de l’autre côté de la ligne.   

C’est le principe de la radio poussé dans ses retranchements. Il est 8 heures et vous écoutez Europe 1. 

Nos chercheurs attendaient donc des process techniques et des composants suffisamment précis pour appliquer ces mécanismes à la lumière. Depuis, ils cherchent les meilleures configurations pour transmettre le plus d’information, le plus vite. Et si la récente étude est positive, il reste une marge de progression importante … et notre besoin de communication est déjà saturé.  

Le quatrième sceau qui nous sépare de la matrice vient de tomber. 

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