Un monde de fou

Nous nous rendons au centre hospitalier de Saint-Anne, 1 rue Cabanis, Paris, afin de découvrir les dernières technologies en matière de traitement des psychopathologies. Nous sommes accueillis par le docteur Narev. Ce dernier nous amène devant une cellule capitonnée.

Au fond de la cellule, un patient porte un casque de réalité virtuelle. Le docteur Narev commence une explication. “La psychiatrie est un domaine multiple. Il n’existe pas qu’un type de psychopathologie. Notre cerveau est complexe et un désordre peut découler aussi bien d’un virus, d’une molécule ou d’un traumatisme psychique ou physique.”

“Prenez Manu. Il a consommé de la cocaïne depuis ses 15 ans. Sa consommation régulière en 30 ans a totalement modifié la chimie de son cerveau. Nous l’avons sevré depuis mais les conséquences sur sa psyché semblaient irréversibles. Pourtant, avec les nouvelles technologies, il a retrouvé un certain équilibre.”

“Désormais, il se prend pour Napoléon. La moindre contradiction provoque chez lui une grande colère. Alors en partenariat avec Ubisoft, nous avons recréé un environnement réaliste des grandes campagnes de l’empereur. Il nous appelle ‘ses grognards’ et demande à voir Joséphine, mais pour le reste, il est cohérent.”

Nous nous étonnons de cette méthode et faisons part de nos inquiétudes sur le fait d’accompagner un malade dans son délire. Le docteur Narev nous rassure en nous expliquant que le programme de réalité virtuel introduit à l’insu du patient des normes sociales. 

Cette approche est loin des anciennes pratiques telles que la camisole ou l’eau froide. En apaisant les inquiétudes du patient, cela lui permet de se reconstruire plus facilement, et de diminuer les anxiolytiques. 

“Mais je vais vous présenter un cas plus complexe.” Le médecin nous emmène devant une autre cellule. Une femme aux cheveux verts dévore des carottes, un casque de réalité virtuelle sur  les yeux.

“Marlène est arrivée il y a deux ans. Le diagnostic a été difficile à établir tant les facteurs à l’origine de son comportement étaient nombreux. Ecstasy, réseaux sociaux, marginalité, cette patiente n’a pas été épargnée par la vie. Un jour elle se disait ‘arbre’, le lendemain, elle se prenait pour un oiseau.”

“Ici le programme de réalité virtuelle simule un monde basé sur le film Zootopia. Des animaux antropomorphes peuplent un monde proche de notre société. Grâce à ce simulacre, Marlène a retrouvé des habitudes correctes. Pourtant elle est loin d’être guérie. Nous devons nous adresser à elle en portant des masques d’animaux pour ne pas l’effrayer”.

Nous interrogeons le docteur Narev sur cette technologie. Même si les patients retrouvent des comportements sociaux corrects. Cela reste au sein d’un contexte virtuel où ils sont isolés. Leurs relations sont virtuelles.

“C’est pour cela que nous sommes interfacés avec le Métavers. Les grognards de Manu sont soit des bots, soit des joueurs du dernier blockbuster d’Ubisoft. Même Marlène participe en tant que destrier de l’empereur. Mais pour elle, la vision est différente. Elle pense préserver l’harmonie de sa ville animale.” 

“Les programmes sont interconnectés. L’environnement perçu par le patient est modifié pour s’adapter à sa pathologie. Nos patients partagent des émotions avec des personnes réelles. Bien sûr, nous veillons à la cohérence de leurs environnements et nous pouvons les déconnecter si leur bien être est en danger.”

Nous remercions le docteur Narev pour ses explications. En nous dirigeant vers une entrée de métro, mon collègue me fait une réflexion. “C’est marrant mais ce Napoléon, il avait les mêmes mimiques que notre chef de guilde sur Clash of Glands. Tu crois que nous aussi, on nous adapte à notre société ?”

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