Maladie mentale ?

De retour à l’hôpital Saint-Anne, nous retrouvons le docteur Narev qui souhaite nous montrer des cas étranges récemment arrivés dans son service. De jeunes hommes sont pris de craintes surprenantes et ne savent plus interagir avec le monde réel. Accompagné de sa collègue, la docteur Queen, le chef de service nous amène devant une cellule capitonnée.

Un petit homme ventru est tranquillement allongé sur un matelas dans une pièce blanche parfaitement éclairée. “Il n’y a qu’ici qu’il arrive à se reposer.” commence le docteur Narev. “Eric est persuadé que des ninjas se cachent dans les couloirs de l’institut et attendent le moindre moment d’inattention pour lui tomber dessus.”.

“Dans une cellule blanche, sans angle mort, il se sent en sécurité.”. La docteur Queen enchaîne. “Dans les jeux vidéo d’infiltrations ou de ninja, la mort des antagonistes peut arriver à chaque instant. Le patient s’est persuadé que, n’ayant pas de capacité extraordinaire, il est donc l’antagoniste d’un de ses jeux vidéo.”.

“Dans son cas, on est au-delà de l’achluaphobie ou peur du noir. C’est assez rare chez un adulte. Mais très handicapant pour Eric qui refuse de sortir sans examiner à distance et plusieurs fois les couloirs qu’il emprunte” continue Narev. “Mais suivez-moi à la prochaine cellule, nous avons un cas tout aussi surprenant”.

“Rémy refuse de sortir à l’extérieur.”. Un homme au visage très pâle est tourné vers un écran dans la pièce sombre. “Il prétend que le soleil est trop violent pour lui. Pourtant, il n’a aucun symptôme de xeroderma pigmentosum. Nous n’en concluons pas pour autant à une héliophobie.”.

“Le lien avec les jeux vidéo est évident.” renchérit la docteur Queen. “Ce patient a passé sa jeunesse enfermé dans sa chambre à jouer à des jeux. L’extérieur est devenu source d’angoisse. Loin du regard des autres, il se sent en sécurité. Sa reconstruction va prendre du temps. La confiance est quelque chose qui se crée avec le temps.”.

Je me hasarde à plaisanter sur les jeux vidéo de vampires, mais le sérieux des deux médecins me fait comprendre qu’il s’agit de cas graves. “Voyez-vous !” reprend la docteur Queen, “Le nombre de maladies mentales a explosé depuis le milieu des années 80, en même temps que les consoles sont arrivées dans les foyers.”.

De retour au bureau du docteur Narev, nous écoutons pendant 30 minutes la thèse du docteur Queen sur les dangers des jeux vidéo. Nous remercions les praticiens sur ce sujet civilisationnel très pertinent et nous quittons l’institut. 

En remontant en direction du métro, je fais remarquer à mon collègue que j’ai déjà entendu un discours similaire il y a 30 ans. Une députée, devenue ambassadrice des pôles, s’inquiétait des risques à laisser les enfants devant la télévision. Si rien n’était fait, cela amènerait à une génération d’abrutis. 

Notre civilisation ne s’étant pas encore effondrée, le problème n’est-il pas dans l’œil de l’observateur ? Mon collègue me fait alors remarquer qu’observer un sujet d’un seul point de vue, c’est le meilleur moyen de se tromper. Mais plus on est haut dans notre société et moins on est enclin à reconnaître ses erreurs.

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J’ai de la chance !!!