Le plaisantin pourrait être un bout-en-train de plus comme le dingue. Mais son comportement ne vous y trompez pas, est voulu et orienté. Son plaisir est dans le malaise qu’il crée chez ses victimes. Il se rapproche plus du lâche et du colérique. C’est en apparence l’absence de motivation professionnelle qui le distingue de ces derniers.
Sur le ton de la plaisanterie, il aime se moquer. Un petit mot par-ci, une plaisanterie par là et on passe à autre chose. Le plaisantin, lui, ne s’arrête jamais. Il boit un café, vous prenez un thé, il s’épanche sur votre boisson en faisant remarquer que votre test d’urine est inquiétant. Chaque fois que vous le croisez à la cafétéria, il ressort cette blague.
Le plaisantin aime à bizuter les nouveaux arrivants. Il a appris cela à l’armée où son attitude endurcissait ses camarades. Apprendre à ignorer les remarques des imbéciles est une bonne expérience. Mais si cela ne se limitait qu’à cela, l’énergumène ne serait pas toxique. Non, la répétition est l’un des principaux ressorts de son aspect dangereux.
Ainsi, le plaisantin fait surtout fuir les personnalités faibles permettant aux plus forts d’occuper l’entreprise. Reproduction sociale qui renforce l’entreprise ? Pas vraiment si on considère la variété des postes disponibles dans une société et le besoin de sensibilités différentes. Les comptables le détestent, les secrétaires le fuient.
Personne ne le trouve sympathique ou amusant. Il reste donc cloîtré dans son service où, comme le dingue, ses collègues le préfèrent hors du bureau tant son humour est pénible. S’il s’appelle Régis, alors on se rabat sur la caricature des Nuls en parlant de lui.
Le plaisantin ne s’arrête pas à quelques blagues d’un spectacle de Bigard. Il a besoin de mettre mal à l’aise ses souffre-douleurs. Il prend plaisir à rappeler les événements négatifs. arrivés à ces derniers et ressort des dossiers même des années plus tard. Que cherche-t-il réellement en agissant ainsi ?
Au-delà de la reproduction sociale, le plaisantin a un besoin de reconnaissance. Dans un précédent emploi, il a eu un avancement minimum alors qu’il se pensait être exemplaire, en apparence. Alors, il rejette sa frustration sur les jeunes recrues, oubliant que ses précédents supérieurs avaient déjà remarqué ses tares.
Le plaisantin a ses têtes. Il emprunte au lâche le fait qu’il ne se moquera jamais d’un supérieur. S’il a des responsabilités, les forts de son service ne prêtent que peu d’attention à ses pitreries. Tout au plus, ils peuvent regretter le manque de candidats pour gérer les nouveaux systèmes. Le dernier gamin a quitté le service au bout d’un mois. Le plaisantin en est fier.
Au restaurant, il se pense Michel Leeb lorsqu’il commande un plat avec un accent supposé. Au grand dam des serveurs, il écorche les noms des plats inscrits sur la carte ne maîtrisant les règles de prononciation que dans sa tête. ‘Bon appétit’ en japonais ne se prononce pas “Y’a tata qui masse” (mais “Itadakimasu”), sauf pour le plaisantin.
Si vous voulez vous en débarrasser, jetez-lui votre boisson chaude au visage. Vous aurez des problèmes avec votre hiérarchie mais ce sera l’occasion parfaite d’évoquer son harcèlement quotidien. Et soyez sûr d’une chose, c’est qu’il ne s’approchera plus de vous pour faire des remarques. Il trouvera d’autres victimes tout en crachant dans votre dos.
Ce toxique, comme tous ceux que j’ai décrit il y a 4 ans dans la série de l’été, est inspiré d’un des odieux personnages que j’ai eu le malheur de rencontrer. Il est pourtant loin d’être le pire. Les toxiques sont réels et tant que vous ne réagissez pas, ils continueront.